J'ai découvert Borges à 19 ans, par le recueil Fictions, et j'en garde le souvenir, fréquent aux primo lecteurs du maitre argentin, d'un passage initiatique vers un univers secret et éclatant à la fois. Mais c'est dans le Livre de sable que j'ai le plus souvent plongé, et qui m'a définitivement envoûté. Quelques histoires en particulier, dont celle-ci qui, de façon plus évidente que pour d'autres, mêle mythologie, fable, mystique et humour. Cet humour, justement, donne à cette nouvelle une dimension étrange : Borges semble parodier les contes de fées, mais en même temps l'hommage qu'il leur rend les dépasse. C'est un conte de fées adulte, puisque les héros ne sont pas des enfants et qu'ils connaissent la mort et l'exil. Plusieurs sensations se mélangent donc, mais leur alchimie opère par la puissance du style : concis, étoffé, avec cette particularité si propre à Borges qui fait qu'avec quelques mots, une allusion, il révèle tout un monde non-dit mais omniprésent. C'est proprement magique.
À écouter avec un fond de guitare espagnole (je n'y connais rien en musique argentine), pourquoi pas un Paco de Lucia inspiré mais pas trop vif, et un fond de vin rouge comme le sang. Salud!
J'avais commencé la lecture de ce roman plusieurs fois, et chaque fois j'avais été convaincu par le style : à la fois son rythme vif, qui courait comme une vague avant la tempête et qu'on suit des yeux sans croire qu'elle soit si longue avant de s'écumer avec la grâce qu'on reconnaît à ceux dont la force ne fait jamais douter de rien ; et la précision des analyses, l'acuité des portraits, la façon tendue dont il amenait les choses. Philip Roth ne lâche rien, et non seulement il ne lâche rien mais en plus cette ténacité est un élan. 
Mais allez comprendre : un autre livre, une soirée avec des potes, le coup de téléphone d'une femme ou que sais-je encore : j'ai toujours interrompu ma lecture et n'ai jamais terminé La Tâche. 
Je l'ai repris hier. Et toujours, ce goût pour ce style éminemment adulte, mûr, comme un phare. 
Un extrait à lire en sirotant un bourbon Woodford Reserve avec un peu de sucre, d'angustura et de citron, pour la forme, et en écoutant Benny Goodman, bien sûr.
Cheers
Un texte intense comme je les aime, avec du corps, du muscle et de la tension, par l'un de mes écrivains favoris. J'avais dévoré Conteur, Menteur, puis le Club, qui reste l'un des livres que j'ai le plus lus. Sylvia est moins drôle, moins ironique surtout, mais l'idée qu'on s'accroche à une femme parce que c'est la seule véritable expérience qui vaille d'être vécue emportera toujours mon suffrage. J'ai choisi ce texte un peu par hasard, je l'avais posé sur le haut d'une pile en pensant le relire un jour, sans projet précis. Est-ce parce que je travaille à mon tour sur un texte qui voudrait traduire cette aventure sublime et désespérée qu'est la relation amoureuse que Sylvia s'est rappelée à moi ? Allez savoir.
Un texte à écouter avec un whisky qu'on fera tourner dans son verre comme une tempête dérisoire, en écoutant Bob Dylan. Cheers!
PS. Merci à Léa pour votre message !
Un Neuhoff de jeunesse, qui aboutira à son chef d'oeuvre, La Petite Française. Cheers to that, à la bière et au comptoir.
Un conte qui marqua mon enfance. Avec le recul des ans, je me rends compte à quel point il balance entre mythologie et parabole, entre fable et symboles.
Je suis fatigué, pas de conseil aujourd'hui, écoutez ce que vous aimez et buvez ce que vous préférez, cheers!
Oui, c'est bien le Chico Buarque d'Essa Moça, le crooner brésilien à la nonchalance suprême, à l'irrésistible sourire tranquille, à la voix de sable chaud sur une guitare veloutée. Un héros, en ce qui me concerne, tant la musique brésilienne fera toujours pour moi les plus belles chansons du monde. Eh bien Chico Buarque est aussi écrivain, et dans Budapest il s'amuse. Tout est facile, fluide, léger et naturel, tout s'enchevêtre sans heurt et se dénoue tranquillement, comme une bossa nova. Mais Budapest n'a pas la mélancolie de la bossa, non, c'est beaucoup plus frais. Une fraîcheur de matin, quand la bossa s'est tannée au soleil jusqu'au soir où elle bascule sa douceur. Oui, Chico Buarque s'amuse, et c'est un véritable partage. Peut-on penser plus antinomique que Budapest et Rio ? C'est bien le sujet. Et mille inventions savoureuses vont vous expliquer comment ce rapprochement entre deux villes aussi étrangères peut créer un vertigineux moment de littérature.
Un extrait à écouter, vous l'aurez deviné, avec une bossa. Je vous conseille en particulier la chanson que Chico Buarque a enregistrée avec Roberta Sa, disponible sur Youtube, Mambembe. Un délice, rien que leurs regards sont du sucre.
Et en savourant une cachaça, parce que je ne connais aucun alcool hongrois et que j'aime le Brésil.
Cheers!
L'imagerie dans laquelle baigne ma Salammbô est double : celle de Philippe Druillet d'abord. Riche, baroque, sombre et éclatante à la fois, dense, tendue. Impossible de m'en défaire quand aujourd'hui je lis ce texte, 35 ans après avoir plongé dans la bande dessinée. La seconde est une voix, celle d'Arthur H, qui lui a consacré une chanson. Comme je suis admiratif des deux, Druillet et Higelin fils, je ne pouvais qu'un jour ou l'autre tombé dans ce chef d'oeuvre. 
Et cette première phrase, mythique qui dit tout : le rythme, l'exotisme, le lyrisme. Une phrase, la première, et la magie opère. En route !
Un extrait à écouter en buvant du vin de jujubier dans une coupe d'argent, bien sûr. A défaut, un vin lourd, riche, vieux : un bourgogne noble, c'est-à-dire épais. En écoutant des esclaves frapper des boucliers à coups d'os, en rythme. Ou préférer Arthur H, Salammbo, dans Trouble fête, merveilleux disque.
Cheers!
Je n'avais pas adoré Je m'en vais, son Goncourt. Mais allez savoir pourquoi, Courir m'avait tenté. Voilà bien toute l'ambigüité du rapport entre le sport et la littérature : je n'aime pas vraiment faire du sport, mais j'aime beaucoup en lire. Donc Courir. L'histoire d'Emile Zatopek, "ce drôle de nom qu'il ne connaissait pas sous cette forme imprimée". Le parcours légendaire d'un sportif qui n'aimait pas courir, et qui se découvre un génie dans les jambes. 
Et puis le style d'Echenoz : évident, fluide, de longues foulées bien lancées. Ca se lit bien, c'est maîtrisé, moderne, très agréable à lire à haute voix. Si la nuit n'avait pas été nécessaire pour préparer un matin laborieux, je l'aurais volontiers relu d'une traite. Deux heures suffisent, et deux heures aussi agréables, comme entre copains qui se racontent une anecdote riche en valeur humaine, ça ne se refuse pas.
Enfin, mon propre rapport à la course à pied. Je n'ai jamais trouvé le sport qui me convienne. J'en ai essayé des tas. Et puis Elise m'a fait courir avec elle. Et en fait, ça me va. J'aime bien. Je suis assez à l'aise pour ne pas renâcler et même y trouver un certain goût. Mon Emile intérieur s'amuse. 
Un extrait à écouter en sirotant une bière bien fraîche, la bière d'après l'effort amateur, celle de la récompense sympathique. Et en écoutant Run boy run, de Woodkid, bien sûr.
Cheers!
Les 3 premiers chapitres de ce merveilleux roman. Mon exemplaire date de 1948, il est dans un sale état, ses pages ne sont même plus jaunes, elles sont brunes. Mais il a une teinte, une épaisseur, en fait une étoffe. Il a traversé le temps et lui, au moins, est encore vivant, il a encore des choses à donner. On ne lit pas un livre de la même façon selon que ses pages sont blanches, pâles ou brunies, selon que sa couverture est poussiéreuse ou immaculée, selon que ses feuillets sont collés ou tiennent encore à un fil (deux, dans mon cas). Le livre a une vie, il a traversé des événements plus vieux que nous. Il nous rencontre après des péripéties inimaginables mais un jour il est là, il s'impose comme un hasard, évident. On le palpe, on le prend comme un animal, on sent bien que quelque chose se passe entre lui et nous. Et des années plus tard, on le lit et on comprend alors pourquoi. On comprend ce qu'était ce quelque chose sans nom qui nous a convaincu.
Dans ce texte je suis surtout sensible à la façon dont St Ex. évoque la lumière électrique. C'est un élément très important pour moi, qui y vois non pas uniquement une aide pour mieux voir ce que l'on fait dans l'ombre, mais un signal envoyé aux autres êtres humains : un phare.
Un extrait à écouter en sirotant un Mach 2, très fort et très corpulent, mais qui fait tenir bon dans les tempêtes. Et en écoutant le vent, pour y déceler, au creux du silence, un courageux moteur.
Cheers!
Bien sûr on connaît surtout le film de Verneuil avec Gabin et Belmondo. Mais sait-on qui ils sont à l'origine ? Blondin est l'un de mes héros préférés, pour sa nonchalance comme art de vivre, la fluidité de son écriture qui se joue des enchevêtrements comme un ruisseau des caprices du sol, entraînant la lecture toujours vers la légèreté d'une bulle de mousseux. Son humour, élégant et jamais méchant. Si l'on ne prend pas de plaisir à écrire, impossible de transmettre le plaisir de lire, et le plaisir de Blondin s'entend comme on s'entend entre copains. Pas besoin de trop en faire pour se comprendre. C'est une majesté dont ne se couronne que l'amitié.
Quelques phrases que je trouve merveilleuses : "Les nuits, modestes, s'ingéniaient à raccourcir pour laisser toute la scène aux journées historiques" ; "Les événements semblaient décidés à ne pas le consulter" ; "La lueur des incendies où s'abîmaient les paillotes se confondait alors avec le reflet des zèbres flamboyants que les phares des voitures, filant vers Paris, faisaient cavaler par intermittence sur les murs de la chambre" (on étudiera un jour, j'espère, le rythme parfait de cette phrase magique, et la façon magistrale avec la laquelle Blondin boucle la géographie de Quentin, entre l'Indochine et la Normandie. Nous sommes face, les amis, à un pur joyau.) 
Un texte à siroter avec un petit jaune sur le zinc, pourquoi pas un Henri Bardouin trempé d'un unique glaçon, en écoutant une chanson française, du Piaf, par exemple.
Cheers!
La plume de Yourcenar est toujours une merveille d'élégance. Elle pourrait écrire un menu de self, je trouverais ça merveilleux. Heureusement, elle a choisi d'autres sujets, et cette fable somme toute assez classique devient un exercice de style d'un raffinement rare.
A écouter avec un dry martini (parce que je viens d'en boire un et que je vous le partage volontiers), en écoutant la mer.
Cheers !
Poursuivons la lecture du recueil intitulé Une Affiche bleue et blanche, avec cet ultime texte. Et toujours ce rythme des phrases, si naturel, si juste, si cadencé. Je suis chaque fois émerveillé par la façon dont elles croissent et éclosent. Ayant lu quelque part que Déon synthétisait ce que pouvait être le bonheur d'écrire, j'ai gardé cette formule en tête et, oui, il y a un plaisir de bonbon à le lire et le relire, avec en prime la qualité de sa vision des relations humaines et son art de la mise en scène littéraire. Certains points de vue un peu datés, certes. Mais le poète, la lune, le doigt, etc.
A siroter avec une grappa (merci Michel de me faciliter la tâche en me proposant à chaque coup dans le texte un alcool à partager), en écoutant un air classique, pourquoi pas An Sylvia, D.891 par Anne Sofie Von Otter, que j'ai entendu tout à l'heure, shazamé dans l'instant et dont le proche souvenir a probablement un peu baigné cette lecture.
Cheers!
Courte nouvelle de mon auteur longtemps préféré. Je retrouve toujours avec plaisir le rythme souple des phrases, leur galop tranquille et naturel, pour servir l'élan des relations de séduction.
A écouter avec un verre de vin italien, ou cet éternel Spritz, mais au St Germain plutôt qu'au Campari, pour ajouter la pointe douceâtre du sureau et rappeler les grandes heures d'un boulevard bien parisien que le Hussard arpenta comme son petit salon pendant ses années glorieuses.
Et Don Juan, bien sûr, en fond ; auditrice ou auditeur, tu sauras pourquoi.
Cheers !
J'ai détesté La Promesse de l'Aube. Je n'ai pas pu terminer Les Racines du Ciel. Mais les premières pages de Clair de femme me sont un chef d'oeuvre : la vision du monde traduite par le style m'ouvre des perspectives fantastiques et m'emporte loin (la flûte qui grignote le silence, le mensonge sur Vegas, etc.)
Sans parler de la façon subtile d'amener le portrait de Lydia, et jusqu'à la révélation discrète de son prénom. Bref : je suis déjà convaincu. Deux paragraphes auront suffi.
A écouter avec un alcool fort, parce que le couple est un alcool fort. Un gin tonic bien tassé, par exemple. Et un second. En musique : les solos de batterie de Buddy Rich (on pourra également goûter la bande originale de Birdman).
Cheers !
Quel bonheur de relire ce texte, 23 ans après l'avoir découvert. La simplicité du style où fleurit une poésie naturelle, douce, certes un peu triste parce que le livre l'est, mais qui remplit d'une émotion claire. Bien sûr l'histoire est romantique, un peu surannée, ne nous arrêtons pas à l'histoire car toutes les histoires ont été racontées, mais jamais comme cela. Relisons encore et encore les premières phrases, qui sonnent si merveilleusement en écho de l'incipit de Baudelaire : tout est là : le rythme posé, tangué avec douceur, une jolie valse lente qui nous rattrape, un déséquilibre jamais dangereux, tout en souplesse. Le rythme, c'est la poésie. Alors seulement on entre dans l'histoire, si belle qu'on n'en garde que la suavité pour en oublier le tragique. Un cocon hors du temps.
A savourer avec un jazz passé, Billie Holiday par exemple, et un verre de brandy. Cheers.
Elea poursuit le récit de Gondawa, et des événements qui l'ont conduite dans la capsule de temps.
Comme je sors d'une terrasse au jour de leur réouverture, pourquoi ne pas siroter ensemble le cocktail par lequel j'ai célébré cet autre événement ? Un Charlie Chaplin, très équilibré : Gin, abricot, citron vert. La pluie qui claquète en fond sonore. Cheers!
Eléa
De Mange Machine
Voum
...
Voum... voum
Voum voum
voum voum
Le débat fait rage : faut-il ou non réveiller les "êtres du passé" ? Quelles nations pourront en tirer profit ? L'ONU est-elle toute puissante ? Les scientifiques du pôle ont leur avis...