
J'ai découvert Borges à 19 ans, par le recueil Fictions, et j'en garde le souvenir, fréquent aux primo lecteurs du maitre argentin, d'un passage initiatique vers un univers secret et éclatant à la fois. Mais c'est dans le Livre de sable que j'ai le plus souvent plongé, et qui m'a définitivement envoûté. Quelques histoires en particulier, dont celle-ci qui, de façon plus évidente que pour d'autres, mêle mythologie, fable, mystique et humour. Cet humour, justement, donne à cette nouvelle une dimension étrange : Borges semble parodier les contes de fées, mais en même temps l'hommage qu'il leur rend les dépasse. C'est un conte de fées adulte, puisque les héros ne sont pas des enfants et qu'ils connaissent la mort et l'exil. Plusieurs sensations se mélangent donc, mais leur alchimie opère par la puissance du style : concis, étoffé, avec cette particularité si propre à Borges qui fait qu'avec quelques mots, une allusion, il révèle tout un monde non-dit mais omniprésent. C'est proprement magique.
À écouter avec un fond de guitare espagnole (je n'y connais rien en musique argentine), pourquoi pas un Paco de Lucia inspiré mais pas trop vif, et un fond de vin rouge comme le sang. Salud!