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« Comme tous les autres qui étaient là je n’avais aucune idée de ce qui allait se passer. Nous avions l’inconnu devant nous, mais les seuls combats perdus d’avance sont ceux que l’on ne mène pas. Nous n’étions certains que d’une chose : il ne pouvait plus être question de retourner dans l’ombre, ou de continuer à raser les murs et à haïr tout ce qui porte uniforme, il n’était plus question de déléguer nos destins. Il ne pouvait rien nous arriver de pire que ce que nous vivions jusque-là. Plusieurs d'entre nous ne pouvaient plus retourner au pays, certains pour des raisons de sécurité, d'autres parce qu'ils avaient déjà l'essentiel de leur vie ici en France. La plupart d'entre nous sont entrés régulièrement ici en France, y ont travaillé plusieurs années, ont cotisé aux différentes caisses, payé taxes et impôts et n'avaient pu renouveler leur titre de séjour. Pasqua veillait…
Les premiers jours, un désordre monstre régnait dans l’église, où une quarantaine de sans-papiers avaient entamé une grève de la faim. La lutte des sans-papiers, depuis les années soixante-dix, a été émaillée de grèves de la faim. Celle -ci me paraissait particulièrement difficile à gérer, à cause de son impréparation, et aussi parce que nous étions débordés par l’afflux de sans-papiers qui arrivaient de partout. Nous voulions durer, il nous fallait structurer le groupe, désigner des responsables, nous organiser. »
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« Lyon, le 22 août 1983
Chers amis,
Voici près de deux ans et demi, en avril 1981, vous nous avez accompagnés dans notre grève de la faim de 29 jours pour l’arrêt des expulsions de jeunes étrangers et pour la reconnaissance du droit de ceux-ci de vivre en France chez eux.
Aujourd’hui avec nos jeunes camarades de SOS Avenir Minguettes nous croyons devoir prendre une nouvelle initiative ambitieuse pour laquelle nous venons solliciter votre participation.
L’initiative la voici, organiser du début octobre à la fin novembre 1983, une grande marche pour l’égalité à travers la France, rassemblant des habitants de notre pays de toutes origines pour la constitution d’une nation solidaire.
L’idée nous est venue après que Toumi Djaidja, président de SOS Avenir Minguettes ai failli mourir sous la balle d’un policier et dans le constat qu’un climat de rejet des communautés de couleur, particulièrement magrébine et antillaise, se développait dangereusement.
Jean Costil et Christian Delorme, Cimade, 3 rue Diderot 69001, Lyon »
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« Appel à soutien des travailleurs sans papiers de la rue Dulong, 27 mars 1974, 3ème jour de grève de la faim
Nous, 37 travailleurs immigrés PAKISTANAIS, MAURCIENS, MAGREBIENS, sans papiers nous avons commencé le 25 MARS, UNE GREVE DE LA FAIM.
Nous ferons la grève pour :
- Protester contre les menaces d’expulsion dont nous sommes l’objet.
- Obtenir des titres de séjour et de travail. A plusieurs reprises, bien que nous travaillons depuis plusieurs mois les autorités du travail et de la préfecture nous ont refusé les REGULARISATION.
Nous sommes donc obligés de travailler « AU NOIR »
- C’est nous qui diffusons au NOIR, France-soir le Monde
- C’est nous qui nettoyons au NOIR, le rond Point de la défense.
- C’est nous qui entretenons au NOIR les appartements de la bourgeoisie.
- C’est nous les travailleurs immigrés.
- C’est nous les travailleurs, les esclaves des temps modernes.
NOUS APPELONS LES TRAVAILLEURS FRANÇAIS à VENIR NOMBREUX SOUTENIR NOTRE LUTTE 9 RUE DULONG PARIS 17* METRO ROME.
ET A PARTICIPER A L’ASSEMBLEE DU COMITE DE SOUTIEN
Vendredi 29 mars à 20 heures.
LES TRAVAILLEURS SANS PAPIERS
LE COMITE DE SOUTIEN
27.03.74 »
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« Les manifestantes de NANTERRE, ce jour là ont manifestés en partant de leur demeure à 11h30 jusqu’à la folie, pour prendre le train, direction (folie-St Lazare). Il y avait à peu près 37 femmes ALGERIENNES.
L’arrivée été à 11h47, après avoir donnés nos tiquets, les musulmanes étaient rangées trois par trois ! Voilà que nous sommes encerclées par des agents polices CRS. Ils se montraient très gentils avec nous. Mais les bonnes femmes ALGERIENNES n’ont pas suivies leurs ordres. Un agent de police surgit, en nous disant « ne craignez aucun mal, nous vous amenons à la rencontre des autres manifestants » Après avoir vu que les ALGERIENNES n’ont pas voulues les suivre ils ont commencé à bousculer les femmes enceintes, à pousser une jeune femme par les épaules, à nous donner des coups de crosse surtout aux jeunes filles de 13 à 19 ans. Sur chaque trottoir, une vingtaine de français et françaises nous fixaient avec leur regard méchant, nous faisaient des signes comme quoi que toutes les ALGERIENNES et ALGERIENS sont bêtes, fous, que nous savons pas s’organiser. En voyant tout cela, j’ai donné l’ordre à toutes les femmes de dire : NOUS VOULONS NOTRE PAYS, NOUS SOMMES CONTRE LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS. LIBERE NOTRE GOUVERNEMENT, NOS PRISONNIERS. »
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Drancy le 24 septembre 1942, 8h14
" Ma chère famille
Je vous envoie ce mot pour vous prévenir que je pars demain matin de bonne heure. J’ai fait le nécessaire et il faut que je parte. Mon moral est bon, Abel joue et il chante. Allez chez moi, envoyez les choses les plus nécessaire à Serge et répondez-lui à ma place. Ne vous faites pas du mauvais sang de ma part. J’ai du courage. J’embrasse bien tout le monde.
Votre fille Gisèle et Abel. Ne venez pas. "
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« De la puissance d’évocation de certains mots, le créole qui a séjourné en France peut facilement se rendre compte. Vient-on à savoir ou à s’apercevoir que vous êtes « exotique », vous suscitez un vif intérêt, des questions saugrenues, les rêves et les regrets de ceux qui n’ont jamais voyagé : « Ah ! Les Iles d’Or ! les pays merveilleux ! aux heureux, aux naïfs, aux insouciants habitants ! En vain, vous efforcerez-vous de détruire maintes légendes l’on ne vous croit guère : si bien que vous vous reprochez d’essayer de détruire des illusions profondément ancrées dans l’esprit français et tombées de la littérature dans le domaine public.
Tel Léon Werth, lorsqu’il écrit dans Danses, Danseurs et Dancings : « C’est alors que j’aperçus la femme noire. Je ne suis pas sûre qu’elle ne fut point parée tout d’abord d’une poésie livresque. Peut-être fut-elle d’abord une négresse littéraire, princesse et sultane. Romans des Iles et Contes des Mille et une nuit. Mais ce n’est point de ma faute, si cette grâce flexible a passé jusque dans la littérature ou plutôt si elle est devenue une sorte de poésie sexuelle, innée en nous ».
Aurions-nous le courage de nous dépouiller du prestige que nous confère la littérature exotique et de détonner, modernes, sur le décor passé, rococo des hamacs, palmiers, forêts vierges, etc.
Quelle déception pour celui qui évoque en notre honneur des princesses exotiques, si vous alliez lui dire que, tout comme une petite bourgeoise française, vous poursuivez à Paris des études commencées là-bas, sous les tropiques, au Lycée ? Non, les droits de l’imagination étant imprescriptibles, vous vous résignez à usurper ce rôle, à venir de ces pays lointains où tout est vibrant et enflammé : l’air, les cœurs, les corps. »
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« Le dimanche, des enfants pâles et maigres chantaient des comptines et faisaient des rondes en levant les bras et en s’accroupissant sur les talons. Les petits garçons étaient davantage appréciés que les fillettes, car c’étaient de futurs soldats pour la France et leurs parents obtenaient grâce à eux la citoyenneté française. Les enfants grasseyaient les russes. Papa travaillait chez Renault ou était chauffeur de taxi ou encore serveur au cabaret Les Cloches de Moscou, près des Champs-Elysées. Maman faisait de la broderie au plumetis ou était modiste. La grande sœur était mannequin chez Chanel, le frère travaillait comme garçon de courses à l’épicerie Pychman.
L’été, les enfants allaient en camp où, le matin, ils se rassemblaient autour du drapeau russe tricolore et chantaient en choeur des prières. Leur maitresse se plaignaient qu’ils ne comprenaient pas les vieilles expressions de la langue russe dans la pièce de Griboïedov, Le Malheur d’avoir trop d’esprit, et qu’il fallait expliquer chaque mot. Comme eux, elle était pâle et maigre. C’était la fille d’un pope, car il y avait beaucoup d’églises orthodoxes à Billancourt. L’une d’elles se trouvait dans un ancien bistrot, une autre un vieux garage au fond d’une cour, une autre encore dans une petite église catholique désaffectée par manque de clientèle.
La sirène de l’usine hurlait. Vingt-cinq mille ouvriers se déversaient sur la place à travers le large portail en fer. Un ouvrier sur quatre était un ancien gradé de l’Armée blanche. Ils se tenaient droits comme des militaires et leurs mains étaient abîmées par le travail. C’étaient de paisibles pères de famille, d’honnêtes contribuables. Ils lisaient les quotidiens russes, étaient membres d’innombrables clubs d’anciens combattants et conservaient précieusement au fond de leurs vieilles malles russes les décorations, les insignes de régiment, la croix de Saint-Georges, les médailles, les épaulettes, les dagues, des photographies fanées. »
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Paris, 3 juillet 1910
« Paris est traversé par un grand fleuve qui s’appelle la Seine. Sur ce fleuve, il y a beaucoup de bateaux à vapeur. Pour 15 centimes, on peut faire un voyage de deux heures.
Si tu es gentil, si tu obéis et si tu étudies, je t’emmènerai en automobile, en fiacre, dans le métro, en autobus ou en bateau. Je te ferai aussi monter sur la tour Eiffel, qui atteint 300 mètres de hauteur et qui est entièrement en fer. D’en haut, on voit tout Paris.
A Paris, il n’y a pas la mer, mais tu t’amuseras quand même car il y a de très beaux jardins où tous les enfants vont jouer.
Les Français sont des gens bons mais pleins de superbe. Ils aiment les Italiens un peu comme le riche aime le pauvre. Les enfants ici, t’insulteront donc parfois en te traitant de « sale Italien » ou de « macaroni » (ce qui veut dire « maccherone »). Alors, toi, s’ils sont plus jeunes que toi, tu répondras que Garibaldi, en 1870, a combattu pour la France contre la Prusse et que le seul drapeau qui a été pris aux Prussiens dans cette guerre fut enlevé par lui. Si, au contraire, ils sont plus âgés que toi, tu les frapperas, même si tu risques d’être battu à ton tour. Mais tu ne diras jamais du mal de la France, car on ne dit jamais du mal d’un pays où on habite et parce que la France, avec tous ses défauts, est toujours une grande nation qui enseigne tant de choses au monde. Ici, il y a la République et il n’y pas les prêtres.
Je te recommande d’étudier. Tous les hommes doivent travailler et les enfants travaillent en étudiant. Tu vois, ton papa ? Eh bien, depuis qu’il le peut, il n’a pas passé un jour sans rien faire. Fais comme cela toi aussi. Embrasse bien ta maman et Lidia. Salue Mme Reggio, Lisetta, Pipo, Vittorio, Leone, Maria, Nicola et sa famille et reçois un gros baisé de ton papa qui t’aime. »
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« Parmi nos émigrés la misère est grandissante. De ceux qui recevaient des subsides, les uns sont restés absolument sans pain, les autres ont vu diminuer leur allocation ; on n'entend de tous côtés et l'on ne voit que misère. Beaucoup se sont ôté la vie, Les âmes les plus fortes résistent et, en luttant contre le sort, manoeuvrent comme elles peuvent, D'entre nos amis et connaissances, le cousin Lucien habite avec nous ; il apprend maintenant la gravure sur bois ; ce travail lui convient et il aura prochainement de quoi subsister tant bien que mal. Zan a perdu sa place à l'Opéra, parce qu'il s'est enroué ; il étudie maintenant le violoncelle, Domeyko travaille avec les chimistes, Beaucoup de gens que j'ai connus dans l'opulence et qui ont jusqu'à présent de riches parents en sont tellement oubliés ou victimes de la difficulté des communications qu'ils souffrent presque la faim ! A ce spectacle, l'homme a honte de se plaindre.
J'interromps actuellement mes travaux polonais et j'écris en français pour faire face à mes besoins. Si l'ouvrage que je viens précisément de terminer réussit, il peut beaucoup arranger mes affaires. Mais réussira-t-il ?
Dieu le sait. »
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« Le bonheur, mon cher T., d’être actuellement en France, plus exactement à Paris, berceau de la nouvelle liberté, au moment où les regards du monde entier se tournent vers cette capitale, lieu des événements les plus grandioses et les plus remarquables.
[…] nous nous frayons un passage vers la rue Saint-Antoine à l’extrémité de laquelle nous trouvons la Bastille, ce bastion du despotisme français, ce gouffre effrayant qui a englouti tant de victimes innocentes, ce lieu d’horreur et de lamentation qui a fait couler tant de larmes. Elles sont maintenant exaucées, les prières qui montaient des cachots obscurs vers le juge suprême : l’horrible château est déjà en partie en ruine ; il sera bientôt entièrement démoli. Comme je présume que l’Allemagne tout entière sera bientôt abreuvée de descriptions de la Bastille, je me contenterai de vous indiquer la hauteur et l’épaisseur des murs. L’arbitraire le plus absolu maintenait ici pendant quelques années, voire pendant toute une vie, des gens dont on se débarrassait le plus souvent par le poison ou le garrot. Voilà ce qui avait contribué à faire de cette prison un lieu d’horreur et de malédiction, non seulement en France, mais dans toute l’Europe. »
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Thomas Bayeux, marchand huguenot normand exilé à New-York, 10 mars 1716
« C’est avec beaucoup de joie que nous avons appris ici que, depuis la mort du roi Louis XIV, les nouveaux convertis ont eu un peu de relâche. Je prie Dieu qu’il veuille en sa miséricorde vous regarder en pitié de plus en plus et vous accorder une paix entière afin que vous puissiez jouir en cette vie temporelle de quelques beaux jours au prix de ceux que vous avez passé jusqu’à présent dans la crainte, dans l’émoi, dans le trouble et dans la persécution. Ce me serait une nouvelle bien agréable si la première que je m’attends de recevoir de vous me confirmait cet état de tranquillité que je souhaite avec tant d’ardeur. Je crois que cela pourrait me faire venir l’envie de songer à l’espérance de pouvoir peut-être un jour avoir occasion de vous revoir et vous embrasser tous et votre chère famille, quoi qu’à présent j’y vois beaucoup d’obstacles et que je n’ose me flatter de ce bonheur, étant si bien établi dans ce pays et tellement attaché ici soit par ma famille ou par ma vocation que je ne vois pas à présent beaucoup d’apparence à entreprendre un si long voyage. »
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