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Improvisations (le podcast)
Aldor
500 episodes
1 week ago
Courts propos improvisés et quotidiens,
A propos de tout et de rien.
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Episodes (20/500)
Improvisations (le podcast)
Manager dans le post-Covid3. Punir bien

Processus de mise en œuvre des droits de la défense(c) Ashton and Carpenter, « Applying Foucault in enterprises », Management Studies, MIT, 1985















Le manager doit donc, dans la punition comme dans le reste, faire preuve d'effacement, de dévouement à l'entreprise, de discipline. C'est là une qualité absolument nécessaire au meneur d'hommes : pour commander, il faut d'abord savoir obéir.



Il existait, dans les années 1960, un petit test d'aptitude au management élaboré par un professeur de l'université de Yale. Se présentant sous la forme sympathique d'un jeu d'acteurs, il permettait d'évaluer de façon assez précise l'obéissance, et donc la capacité à commander, des apprentis managers. Las ! L'utilisation de ce test, conçu par Stanley Milgram, fut interdite, pour des prétextes fallacieux, sous la pression des hippies californiens, de ces drogués prétendument progressistes qui, sous couvert de défense des droits de l'homme, visent toujours, en fait, à censurer la liberté de création et d'expression.



Bon : le test de Milgram n'est plus mais nous avons désormais, pour le remplacer, le logigramme, ce schéma plein de cases et de flèches multicolores qui permet de remplacer la réflexion et l'interrogation par l'application d'un algorithme bien ficelé, et de passer par la même occasion d'une question donnée : "Faut-il traverser la rue sur les passages cloutés ?", par exemple, à une réponse qui n'a strictement rien à voir : "les actes de sabotage doivent être sévèrement réprimés". Aucun rapport n'existe entre la question et la réponse mais celle-ci colore insidieusement la question et permet ainsi de criminaliser, par une sorte d'assimilation, des comportements anodins, tout en donnant l'impression au manager que ces cheminements erratiques  et franchement manipulateurs sont le résultat d'un raisonnement carré et irréprochable.



Grâce au logigramme, à ses jolies flèches, à ses cases mélangeant les choux et les carottes et à ses choix biaisés, le manager de 2025 peut avoir le sentiment de n'être pas vraiment responsable de ses actes puisqu'il ne fait qu'appliquer des processus scientifiquement élaborés, des processus qui conduisent à une punition rationnelle et logiquement fondée sur laquelle il n'a pas vraiment la main.



S'il s'appuie en plus (comme on le lui conseille avec une lourde insistance) sur des outils à base d'intelligence artificielle eux-mêmes conçus pour orienter et canaliser les décisions, il se retrouve dans la position du soldat, du simple soldat exécutant les procédures prescrites par le règlement, dans la posture du rouage embrigadé par une machine plus puissante que lui ; dans la figure de l'homme fait humilité, pétri peut-être même de cette banalité qu'évoquait Hannah Arendt à propos de je-ne-sais-plus quel homme qui, au début des années 1960, était jugé à Jérusalem.



Voilà : il ne suffit plus, aujourd'hui, pour retrouver l'efficacité organisationnelle de l'avant-Covid (voire, soyons fous, de l'avant 68 ou de l'avant Front populaire) ; il ne suffit plus, disais-je, de punir, il faut punir bien, avec froideur et détachement.







NB : il est regrettable de devoir le préciser (mais c’est apparemment nécessaire) : cet article est évidemment une parodie, une satire.



En illustration sonore, derrière ma lecture, un enregistrement de salle informatique (mais qui pourrait être un datacenter) trouvé dans l’e...
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1 week ago
3 minutes 57 seconds

Improvisations (le podcast)
Manager dans le post-Covid2. Punir

Processus de détermination des punitions adéquates(c) Ashton and Carpenter, « Applying Foucault in enterprises », Management Studies, MIT, 1985















Punir est nécessaire. On évitera néanmoins de sanctionner sans raison, je veux dire sans qu’il soit possible de justifier le châtiment par une faute préalable. On a tous envie, à un moment ou un autre, je le sais bien, de punir tel ou telle parce que sa tête ne nous revient pas, que nous avons mal digéré ou que la nuit a été détestable pour une raison ou pour une autre. Ces pulsions sont bien excusables compte tenu de la charge qui pèse 24h/24 sur les épaules des managers. Mais dans les entreprises du vieux continent, où règne encore, pour le moment, une sorte d’état d’esprit woke, sanctionner sans faute avérée risque de déclencher une suite de procédures interminables devant des juges gauchistes et portant cheveux longs, et mieux vaut, pour le moment du moins, s’en abstenir.



Ce qui doit guider, en effet, l’action du manager, dans le châtiment comme dans le reste de son activité, c’est le souci de l’efficacité, de la proportionnalité, du devoir : ce n’est ni lui, ni son bras, ni sa main qui punit, c’est l’entreprise et la nécessité ; ce ne sont pas ses intérêts propres qu’il défend mais la pérennité, la réputation, les revenus et le cash-flow ; les emplois et le gagne-pain de la grande famille que forment salariés, fournisseurs, partenaires, clients de l’entreprise, patron, sans oublier les actionnaires sans lesquels rien, jamais, n’aurait été possible. C'est la défense de ce collectif qui fonde la légitimité du châtiment, ce châtiment qui vise simplement à éviter que ne se répètent des errements qui menacent au bout du compte le travail et le salut commun.



Punir n’est pas toujours facile, nous le savons tous d’expérience. Mais le manager doit savoir, il doit sentir au fond de lui que c’est de cette responsabilité également qu’il est investi, parce que c’est le rôle du leader que de guider ses équipes dans la voie des succès industriels et commerciaux mais aussi de trancher, quand il le faut, la main qui a trahi, la main qui a fauté, avant que tout le corps ne soit rongé par la gangrène. La punition n'est pas là pour faire mal (même s'il c'est parfois utile), elle est la voie, la voie peut-être douloureuse mais nécessaire, du salut collectif : sanctionner, c’est refuser d’écouter les chants niais et sirupeux des sirènes de la fausse bienveillance et porter avec courage et détermination le fer rouge sur la plaie purulente, stoppant ainsi l'extension du mal : punir, c’est sauver, comme l'observait déjà, avec son admirable perspicacité et son sens si remarquable de la formule, George Orwell dans 1984, ce livre que les pleurnichards considèrent comme une critique et un avertissement alors qu'il est un mode d'emploi, un manuel de management à l'attention des futurs dirigeants.







À suivre.



NB : il est regrettable de devoir le préciser (mais c’est apparemment nécessaire) : cet article est évidemment une parodie, une satire.



En illustration sonore, derrière ma lecture, un enregistrement de bureau de poste trouvé dans l’excellente banque de sons de la BBC



L'ensemble de la série Manager dans le post-Covid.




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2 weeks ago
4 minutes 40 seconds

Improvisations (le podcast)
Manager dans le post-Covid1. Surveiller

Processus de détection et de traitement des fautes (c) Ashton and Carpenter, "Applying Foucault in enterprises", Management Studies, MIT, 1985















Je reçois chaque jour, particulièrement ces derniers temps, des dizaines de mails de directeurs exécutifs et autres top managers qui, un peu traumatisés par ce qui s’est passé pendant le Covid, me disent être un peu déboussolés et avoir besoin d’un éclairage et d’une mise à niveau sur le Can et le Must, sur ce qu’il est désormais possible et souhaitable de faire en entreprise.



C’est en pensant à eux et à tous ceux qui, partageant les mêmes doutes, n’ont pas osé me consulter que j’ai conçu cette formation, qui ne couvre pas l’ensemble de la problématique Reprise en main post-Covid mais adresse, comme disent nos amis anglo-saxons que je salue au passage (surtout ceux d’outre-Atlantique que j’envie quelque peu avec leur président qui en a dans la braguette), un thème plus spécifique mais de plus en plus discuté dans les Codir et autres comités executifs, celui du châtiment juste.



Voilà une question qui, pendant la longue parenthèse, la longue déliquescence ouverte par le Covid et le développement du télétravail, avait été un peu mise de côté. Mais cette triste page ayant maintenant été tournée, et le retour à des pratiques plus rigoureuses et, osons le mot, plus viriles, ayant été franchement amorcé, elle revient enfin (il en était temps !) au cœur des préoccupations managériale. Cette question, qui découle directement des travaux de Michel Foucault, la voici : comment surveiller, comment punir, comment surveiller et punir, et comment, au bout du compte, punir bien ?



Disons le tout de suite : il n’est pas question, pour le manager ancré dans le présent que chacun d’entre nous aspire à être ; il n’est pas question de revenir à un passé définitivement éteint ; il faut, au contraire, embrasser pleinement, et avec enthousiasme, le mouvement de la modernité. La punition ne saurait donc  demeurer en 2025 ce qu’elle était au temps de grand-papa : on ne peut plus punir au petit bonheur la chance, avec des sanctions gentillettes choisies au doigt levé ; la punition moderne, la punition 2.0 doit être efficace et performante : efficace, rationnelle, juste et donc rentable, notamment au regard du R.O.I.



Il convient à cet égard de rappeler, car cela est parfois oublié, que l'objectif premier de la punition n'est pas de permettre au manager de se défouler. Sans aller jusqu'à affirmer (Tout ce qui est excessif est insignifiant) que le défoulement ne doit en aucun cas être recherché, il n'est pas, il ne saurait être l'objectif principal de la punition. Celle-ci doit avoir pour fin première la correction puis l'élimination des fautes, des erreurs, des maladresses, des étourderies et, si cela apparaît nécessaire, celle des personnes qui s'en sont rendues responsables. Mais c'est à ces objectifs et à ces objectifs seulement que la punition doit être d'abord consacrée, le reste n'étant que cerise sur le gâteau. Dans le châtiment comme dans les processus industriels, la première règle est d'être pro-fes-sion-nel.







À suivre.



NB : il est regrettable de devoir le préciser (mais c'est apparemment nécessaire) : cet article est évidemment une parodie, une satire.



En illustration sonore, derrière ma lecture, un enregistrement d'usine automobile trouvé dans l'excellente banque de sons de la BBC.



L'ensemble de la série Show more...
2 weeks ago
4 minutes 39 seconds

Improvisations (le podcast)
Le test du marshmallow (ou du saccageur de monde)

Marshmallows















Nous parlions l'autre jour du test du marshmallow, test auquel je suis sûr que j'étais très bon quand j'étais jeune - je veux dire quand j'étais jeune, encore plus bête et plus discipliné. Et je regrette d'avoir dû largement dépasser l'âge canonique (40 ans, dit Wikipedia) pour me rendre compte de la stupidité de ce test, des présupposés et des préjugés qu'il véhicule.



Le test du marshmallow est celui dans lequel on met un enfant face à l'alternative suivante : il peut soit manger immédiatement un marshmallow soit attendre dix minutes et en avoir trois. Sont considérés comme réussissant le test celles et ceux qui, sachant faire preuve de retenue et de maîtrise de leurs désirs, sacrifient la jouissance immédiate à l'espérance d'un gain futur, ce qui est à la fois très sexuel et très capitaliste.



Mais outre le fait que d'excellentes raisons (un : "tiens" vaut mieux que deux : "tu l'auras", par exemple) peuvent parfaitement justifier qu'on préfère le marshmallow posé sur la table aux trois qu'on nous promet, quel est, mis à part un pur appât du gain dont le bien-fondé est très discutable ; quel est l'intérêt d'avoir trois marshmallows quand un suffit à notre gourmandise ? S'il s'agissait de faire des provisions pour l'hiver et les cigales ayant fini de chanter, cela pourrait se comprendre ; mais les marshmallows, cela ne se met ni dans les poches (trop collant) ni dans les greniers (trop périssable) ; cela se mange immédiatement, et donc trois plutôt qu'un, et les caries qui vont avec, ça n'est pas très intéressant (et ça n'est certainement pas trois fois plus de plaisir).



Ce qui peut pousser à préférer trois, c'est que, toutes choses égales par ailleurs, avoir trois ne coûte rien (sauf une petite frustration), et permet d'échanger, de gâcher, ou tout simplement d'accroître le champ des possibles puisqu'on peut tout bonnement, même en en ayant reçu trois, choisir de n'en manger qu'un. D'une façon ou d'une autre, trois au lieu d'un, c'est toujours une détention, un accroissement ou une prise de pouvoir sur les autres et les choses, le signe et la matérialisation d'une ambition, d'une volonté de puissance. Et c'est justement cette volonté de puissance, ce désir d'avoir plus et de prendre tout ce qui est à notre portée même quand on en a aucun besoin, parce que tout ce qui est possible est bon à prendre, c'est ce tempérament de prédateur, cette avidité destructrice parce qu'incapable de s'autoréguler, que le test du marshmallow valorise : plus plus plus et toujours plus ; pourquoi se contenter du nécessaire quand on peut avoir le superflu ?



Il y a sûrement, dans les circonvolutions archaïques de notre inconscient, des souvenirs de famines et de luttes pour la survie qui nous font ataviquement préférer le trop au suffisant. Mais il est étrange que, de ce réflexe de survie, nous continuions à faire une règle de conduite  alors même que nous sommes conscients du cortège de saccages et de destructions qui accompagne sa mise en œuvre.







En accompagnement musical, parce que le thème de la chanson sied bien à mon propos, la complainte du progrès, de et par Boris Vian.




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2 weeks ago
4 minutes 30 seconds

Improvisations (le podcast)
L’aspiration au bonheur

Fendre la brume (création hybride)















On n'aspire pas seulement à vivre, on aspire à être heureux. C'est normal et sain mais il arrive que, sous l'effet de pensées perverses et manipulatrices, d'idéologies morbides et dominatrices, on l'oublie. Et cet oubli est une défaite de la joie, de l'esprit et de la vie.



Je me souviens avec honte d'avoir, au printemps dernier, pensé, devant l'image de Gazaouis se baignant dans la mer, que, s'ils pouvaient songer à se baigner, leur sort n'était pas si terrible.



Je m'étais fait la même réflexion, longtemps auparavant, quand j'avais lu, dans une des lettres envoyées de Westerbork par Etty Hillesum, le récit d'une nuit passée à maquiller une jeune fille qui allait bientôt partir pour le néant : si elle peut encore s'intéresser à son maquillage, elle ne doit pas être trop à plaindre, m'étais-je très bêtement dit.



La vérité est que, sans rejeter pour autant l'Amor fati, cette attitude d'accueil ouvert des choses et de la vie dont Laurence, après Nietzsche et Camus, nous parlait le week-end dernier, Amor fati du bien-fondé duquel je crois être intimement convaincu, la vie est, sauf pour ceux dont l'esprit a été perverti, écrasé, ravagé par le malheur ou par le mal ; la vie est intrinsèquement recherche du bonheur. Les êtres, quels qu'ils soient, ne cherchent pas seulement à survivre mais à vivre et à jouir de la vie, et c'est dans cette quête même du bonheur et de la joie que, comme les plantes dans l'élévation vers la lumière, ils trouvent la force de se lever le matin, de se soigner, de se consoler, de vivre.



L'esprit de jouissance, que les intégristes, inquisiteurs et massacreurs du Bataclan  considèrent depuis toujours comme la marque du mal et de l'infamie, est cette pulsion qui nous fait vivre et dont ils ont honte parce qu'ils ont la prétention, l'orgueil vraiment diabolique d'être de purs esprits plongés dans un corps étranger. Et ils répriment avec rage chez les autres ce qu'ils ne peuvent réprimer chez eux.



Mais celles et ceux qui ne trouvent de bonheur que dans la peine, qui ne font que de nécessité vertu, qui voient le rire comme une offense, la joie comme un sacrilège et qui voudraient qu'à chaque instant, on se considère endetté parce que vivant ; ceux là aussi poursuivent une jouissance, une jouissance sombre et amère, celle de la chute et de l'abîme, du vertige et du refus de soi.



Je m'en veux d'avoir pu parfois, en de rares instants de tristesse, d'avoir pu ne pas leur rire au nez tellement j'étais tombé si bas.



Il faut, toujours, fendre la brume des angoisses et des peurs.







En illustration musicale, derrière ma lecture, Here Comes The Sun, des Beatles, parce que voir apparaître le soleil au sortir de la nuit est une des premières joies qu'on ait.




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3 weeks ago
4 minutes 21 seconds

Improvisations (le podcast)
Créer/réemployer

Au musée (création hybride)















Il y a un mauvais procès fait aux IA génératives et autres LLM, celui consistant à dire qu'elles ne créent pas parce qu'elles réemploient des éléments déjà existants.



Attention : je ne dis pas ici que les IA génératives créent (c'est là une question difficile sur laquelle mon opinion n'est pas, aujourd'hui, totalement formée) : ce que je dis, c'est que ce n'est pas parce qu'on réemploie des choses déjà existantes (des idées, des pensées, des patterns, des mélodies, des rythmes, des techniques, des sujets, des paroles, des mots, des formes, des créations quelles qu'elles soient) ; ce n'est pas parce qu'on réemploie des choses déjà existantes qu'on ne crée pas.



Même quand il est totalement naturel ou totalement humain, le processus de création est intrinsèquement fait de réemploi, de recombinaison, de copie, de de reproduction, de réinterprétation. Il doit exister, dans la totalité du champ scientifique, technique ou artistique, quelques créations pures, ex nihilo, mais la très grande majorité des œuvres, inventions et créations s'inspire d'autres œuvres, d'autres inventions, d'autres créations, ce qui ne retire rien à leur intérêt, à leur qualité, à la créativité et au talent de leur auteur.e.



Nos créations sont très souvent des re-créations, et cela non pas toujours par paresse ou baisse tendancielle de l'inventivité mais parce la création et l'imagination sont en partie cumulatives, peut-être exponentielles, qu'elles se nourrissent et s'accroissent du terreau des créations et inventions antérieures : c'est dans le frottement, la comparaison, la combinaison, le détournement, la destruction et parfois même la seule compilation du vieux que, depuis toujours, nous inventons le neuf.



Qu'on lise les romans, les contes et les pièces de théâtre, qu'on regarde les tableaux et les statues, qu'on écoute les chansons, qu'on aille voir les films : nos œuvres les plus originales et les plus créatives sont des réinterprétations, des revisitations, des remakes d'œuvres déjà créées et qui renaissent indéfiniment dans ce processus continu de reprise et d'imitation, de régénération. C'est particulièrement évident pour ces centaines de représentations de mythes ou d'épisodes bibliques qui traversent le théâtre, la peinture, la poésie, le cinéma occidentaux, mais aussi pour la philosophie, les mathématiques, la technique, qui évoluent et progressent en s'appuyant sur et en retravaillant ce qui fut fait.



C'est pourquoi l'idée, un peu toute faite, un peu facile, un peu paresseuse, selon laquelle les IA génératives ne seraient pas créatives parce qu'elles pomperaient des œuvres déjà existantes ne me convainc pas, et m'étonne quand elle vient de créateurs qui doivent pourtant bien savoir que leurs œuvres ne sortent pas tout armées de leur tête, comme Athéna de celle de Zeus.



Derrière ma lecture, en accompagnement et illustration musicale de mon propos, Wish You Were Here, des Pink Floyd (Roger Waters et David Gilmour), dans la très belle réinterprétation, re-création, des Birds on a Wire (Rosemary Standley et Dom La Nena).




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1 month ago
4 minutes 17 seconds

Improvisations (le podcast)
Onctuosité

Le rasage (création hybride)















Me rasant, ce matin, je trouvais la mousse de mon blaireau (faux blaireau,  évidemment : la fabrication des vrais est une torture pour les animaux éponymes) ; je trouvais, donc, la mousse de mon blaireau onctueuse ; et je songeais (car on peut, au cours d'une journée, songer à beaucoup de choses, beaucoup de choses diverses, désordonnées et un peu anarchiques, un peu sans queue ni tête : à la mousse, aux éoliennes qui tournent et qui s'arrêtent, aux gyroscopes, au musée Delacroix ou au nacre, au nacre auquel je songe actuellement parce que Claude m'en parlait l'autre jour) ; je songeais, donc, que l’onctuosité est une qualité rare, je veux dire qu'il y a peu de choses qu’on puisse justement qualifier d’onctueuses ou d'onctueux.



Ce n'est pas que les choses douces, fondantes ou sucrées soient peu nombreuses, mais il n'est pas courant qu'elles le soient simultanément ; si peu courant que je ne vois que deux substances qui puissent vraiment mériter de se voir accoler cet adjectif : la mousse et la crème.



Il y a beaucoup de choses (je crois même toutes les choses) ; il y a beaucoup de choses, et peut-être donc toutes, qui, pour peu qu'on s'y intéresse, sont ou deviennent intéressantes. Et en voici justement une : l'existence, dans la langue française, d'un adjectif qui ne peut parfaitement qualifier que deux substances (peut-être trois si l'on y ajoute le miel - mais le miel me paraît trop collant pour être vraiment onctueux.)



Onctuosité. Il faut avoir en bouche ou sur la peau la sensation si particulière de la mousse à raser, de la crème Chantilly ou de la mousse au chocolat (en évitant de manger ce qui doit être étalé sur la barbe) ; il faut avoir senti cela pour comprendre ce dont il s'agit : une manière de fondre, de se dissoudre, de disparaître, de se fondre sur le visage ou sur la langue qu'on reconnaîtrait entre mille.



On parle parfois aussi d'onctuosité pour les personnes, notamment me semble-t-il (mais peut-être est-ce image d'Epinal) pour les vieux prêtres un peu vicieux, un peu hypocrites et caressants ; mais il me semble que doucereux serait plus approprié pour décrire cette attitude malsaine, ou peut-être obséquiosité, dont les syllabes finales sont assez proches, rudes et gutturales, de celles de l’onctuosité, et pareillement à l'opposé de la sensation qu'on éprouve.



Le tu mouillé de l'onctueux est cependant plus agréable. Il rappelle l'onction, cette bénédiction huileuse dont on renaît oint du seigneur et qui, dans les matins de septembre, adoucit de sa mousse la lame acérée du rasoir.



Quand je me rase, je me prends toujours un peu pour le Charlton Heston des Dix commandements coupant sa barbe après avoir vu Dieu.



Charlton Heston dans Les dix commandements







En accompagnement musical, derrière ma lecture, C'est la ouate, de Caroline Loeb, qui se prêtait assez bien à l'onctueux.
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1 month ago
3 minutes 59 seconds

Improvisations (le podcast)
Il part quand, le bateau pour le Soudan ?

Le bateau qui ne partira jamais (création hybride)















"Il part quand, le bateau pour le Soudan ?", demandent ceux qui se fichent des massacres du Soudan comme de leur première paire de chaussettes, qui n'ont jamais eu l'intention de faire quoi que ce soit pour mettre fin au malheur soudanais, et qui ne parlent de lui que pour éviter de parler de Gaza, n'utilisant l'inaction dans la guerre civile du Soudan que pour justifier l'inaction dans l'anéantissement de Gaza par l'armée israélienne.



"Il part quand, le bateau pour le Soudan ?", demandent-ils d'un ton railleur, comme s'il fallait, avant de faire quoi que ce soit, avoir préalablement réglé tous les problèmes du monde, comme si l'on ne pouvait tenter de réprimer le mal qu'à condition d’avoir mis fin à tous les maux du monde - et hélas ! ils sont nombreux.



"Il part quand, le bateau pour le Soudan ?" susurrent-ils, comme les marchands de cigarettes ou de pesticides susurrent qu'il y a plein de causes aux cancers et autres maladies, que tout ça est très compliqué et qu'il est donc urgent d'attendre ; comme les climatosceptiques susurrent que des étés chauds, il y en a toujours eu, qu'il est trop tôt pour tirer des conclusions et qu'il serait donc plus sage de ne rien faire ; comme font, depuis la nuit des temps, tous les menteurs qui mettent en avant un arbre-vérité pour cacher la forêt de leur déni et de leur mauvaise foi.



"Il part quand, le bateau pour le Soudan ?" interrogent-ils, et je n'ai pas de réponse à cette question. Mais ce que je sais, en revanche, et de façon absolument certaine, c'est que s'il faut attendre, pour que le bateau parte pour le Soudan ou ailleurs, que soient d'abord partis tous les bateaux qui, sur cette planète, tentent, avec maladresse, naïveté, bien peu de chances d'aboutir et parfois même un peu de mauvaise foi, de calmer les folies meurtrières qui se déchaînent, jamais il ne partira.



"Il part quand, le bateau pour le Soudan ?", demandent ceux qui, sous couvert d'équité et d’universalisme, travaillent à ce que jamais il ne parte, à ce que toujours il reste à quai.







En accompagnement sonore, derrière ma lecture, L'aquoiboniste, de Serge Gainsbourg, chanté par Jane Birkin.
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1 month ago
2 minutes 43 seconds

Improvisations (le podcast)
Ne pas chercher et bien vouloir

Aller vers l'inconnu (création hybride)















On peut ne pas chercher et ce faisant ne pas vouloir ; et on peut ne pas chercher et cependant bien vouloir.



On ne cherche pas, on ne poursuit pas, on ne guette pas l’occasion d'obtenir ; mais l'obtiendrait-on que, dans le premier cas, on la déclinerait, tandis qu'on l'accueillerait dans le second.



Qui ne cherche pas ne cherche pas mais repousserait-on la chose si jamais elle advenait ? Peut-être que oui, mais peut-être que non ; on ne se prononce pas trop, on laisse ouvert le champ des réactions possibles. Et de même pour qui veut bien : qui veut bien ne met pas ses forces et son énergie au service de son vouloir : il ne s'engage pas trop, il ne se mouille pas trop ; il laisse faire et advienne que pourra. Wait and see et l'on verra de quoi demain est fait.



Il y a cependant aussi, en arrière-plan, ce souvenir de pensée magique, de mysticisme, de sagesse ou peut-être de simple psychologie, cette idée que c'est justement en ne cherchant pas qu'on trouve, que c'est justement celle ou celui qui ne cherche pas qui trouve ; parce que c'est dans l'indéfinition des désirs et des souhaits, dans l'attention totalement ouverte et sans objet particulier, qu'on peut trouver ce qu'on pouvait bien ne pas attendre, ce qu'on n'attendait pas, ce non attendu qui est justement ce que, sans le savoir nous-mêmes, inconsciemment sans doute, nous recherchions.



Notre quête n'avait pas d'objet, elle ne se savait d'ailleurs pas même être quête ; nous ne cherchions pas, nous ne savions pas trop ce que nous faisions ; nous aurions répondu : "rien" si l'on nous l'avait demandé ; et c'est parce que nous ne cherchions pas que nous trouvons, que nous avons trouvé, que quelque chose est arrivé que nous n'attendions pas. Et c’est parce que nous voulions bien, que nous voulions seulement bien, d'une volonté un peu passive et molle, d'un vouloir un peu paresseux ; c'est justement pour cela, pour cette paresse et cette passivité, que nous pouvons vraiment accueillir cette chose qui advient.



Peut-être ne pas chercher est-il le meilleur chemin pour trouver, et vouloir bien le meilleur moyen pour obtenir.







En illustration musicale, parce que le titre s'imposait, Je ne cherche pas je trouve, de Jean-Pierre Bérubé.




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1 month ago
3 minutes 10 seconds

Improvisations (le podcast)
Le plaisir de la foule

Création hybride















Il y a quelque chose de très plaisant dans la foule des grandes villes, dans l'avancée parmi cette hydre aux visages divers, occupés de mille choses différentes. Ce prêtre aux lunettes de soleil et aux mains dans les poches jouant les playboys devant le Bon Marché ; ces deux Grecques distinguées bavardant de je-ne-sais quoi près du Marché Saint-Germain, ces enfants à trotinette se retournant vers leurs parents en quête d’encouragements ; ces vieux beaux plastronnant, élégants, à la terrasse des cafés, ces midinettes allant bras dessus bras dessous et éclatant de rire pour montrer la blancheur de leurs dents ; cette femme au visage angoissé hurlant dans son téléphone et cette autre qui, à la lecture d'un message, souriait comme un Ravi ; ces amoureux s'embrassant, ces touristes prenant des photos, ces femmes et ces hommes qui, malgré le soleil, traçaient leur route d'un air soucieux, repliés sur eux-mêmes, indifférents à la légèreté de cette fin d'été.



Il y a, dans ces trajectoires qui un instant s'entrecroisent et s'entremêlent ; dans ces rires et ces regards qui s'échangent indépendamment de nous, dans ces conversations dont on entend des bribes et qui, un moment, s'entrechoquent ; il y a, dans la prise de conscience de ce mouvement presque brownien, dans cette convergence soudaine de destins indépendants les uns des autres, indifférents les uns aux autres et réunis ici par le hasard et par une commune attraction ; il y a là, dans le spectacle de ce creuset de variété (une variété toute relative, celle du 6e arrondissement de Paris), quelque chose de profondément agréable et rassurant : tant de diversité, tant de projets, tant de volontés qui suivent leur propre chemin et qui, tout en suivant leur propre chemin, se retrouvent ici, dans la même rue ensoleillée, participant au grand ballet de la déambulation urbaine !



C'est précisément dans la prise de conscience de cette indifférence mutuelle que réside la source profonde du plaisir, du plaisir un peu surpris que j'éprouve : plaisir pas du tout de l'individu mais plaisir de l'animal humain, de l'animal grégaire, de l'animal heureux de voir prospérer les siens, de les voir nombreux, divers, vaquant à leurs occupations variées et faisant cependant, incontestablement, société. Plaisir étrange qu'on éprouve non pas seulement à se sentir, à se frotter, à communier avec les siens dans le grand fait-tout de la ville, la grande marmite humaine ; mais à sentir que c'est justement la diversité extrême des trajectoires, des destins, des volontés, des désirs, des préoccupations, des motivations, qui nous rend forts. Nous sommes forts de ne pas aller comme un seul bloc, de ne pas aller comme un seul homme.



Je présume que les autres animaux grégaires : les zèbres, les flamants, les bisons, les phoques, les cigales, doivent connaître eux aussi, quand ils se rassemblent en troupeaux, ce plaisir de l'être ensemble, cette joie de se sentir porté et bercé. Mais il y a, chez les êtres humains, l'émerveillement supplémentaire de la liberté : ce mélange entre la satisfaction d'être avec les autres, et la joie d'être soi-même, ce doux équilibre entre l'ego et la fusion.







En accompagnement musical, c'est évidemment quoique à contre-emploi, La foule d'Edith Piaf (paroles de Michel Rivgauche et musique d'Ángel Cabral), qui s'imposait ; mais choisie ici dans la version de Mireille Mathieu,
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1 month ago
4 minutes 14 seconds

Improvisations (le podcast)
Un passé pas mal présent

Andromède au-dessus de la Cerdagne (Création hybride)















Je regardais l'autre soir, au zénith du beau ciel de la Cerdagne, une petite tache allongée et floue (beaucoup plus allongée et floue que ne semble le dire mon dessin), la galaxie d’Andromède.



Comme on le sait peut-être (c'est, étrangement, une de ces choses que savais parfaitement étant enfant) ; comme on le sait peut-être, donc, la galaxie d’Andromède, qui est l'objet le plus lointain qu'on puisse voir à l'œil nu ; la galaxie d’Andromède, donc, est distante de 2,5 millions d'années lumière. Ce qui signifie que la lumière, qui voyage à 300 000 km par seconde, met 2,5 millions d'années à aller d'elle à nous, ou encore que l'image que nous apercevons d'elle est datée de 2,5 millions d'années.



Ce qui me trouble dans cette affaire est que, comme on le sait peut-être également, la vitesse de la lumière est le plafond absolu de toute vitesse : rien, absolument rien ne va ni ne peut aller plus vite qu'elle. La vitesse de la lumière est donc la vitesse de la lumière mais elle est aussi, d’une certaine manière, la vitesse du temps, la vitesse à laquelle se déplace le présent : même si la lumière que je reçois de la galaxie d’Andromède a été émise il y a 2,5 millions d'années, la considérer comme une image du passé suppose qu'il pourrait exister d'elle une image plus récente ou plus actuelle, ce qui est physiquement impossible. Cette image n'a donc rien, en fait, d'une image du passé ; elle est au contraire une image parfaitement contemporaine, rien ne pouvant être plus contemporain, plus actuel que cela.



C'est comme si chaque être, chaque point de l'univers établissait avec les autres, tous les autres, un rapport de contemporanéité dépendant de la distance qui les sépare : avec mon voisin de TGV et, de façon plus générale avec  les êtres et les choses de la Terre ce rapport se confond avec l'immédiateté ; mais plus la distance est grande, plus ce rapport tend vers le passé : je suis contemporain de la lune d'il y a un peu plus d'une seconde, du soleil d'il y a huit minutes, et de la galaxie d’Andromède d'il y a 2,5 millions d'années. Et les grands télescopes, qui collectent d'immenses quantités de lumière, voient des objets célestes situés à plusieurs milliards d'années-lumière, nous rendant quasi-contemporains du Big Bang initial, de l'explosion d’où sortit le monde.



Allons plus loin : imaginons que d'hypothétiques habitants de je-ne-sais quelle planète de la galaxie d’Andromède me fassent coucou de la main et qu'aimablement je leur rende leur coucou, 5 millions d'années se seront écoulées entre leur premier geste et la perception du mien, 5 millions d'années qui seront ainsi dans une même poche de présent. Et si, tandis que je fais coucou aux Andromédiens, je vois dans mon télescope une supernova éclatant il y a 10 milliards d'années et regarde le clair de lune, je suis simultanément contemporain de tous les âges du monde, des âges qui ne se succèdent pas mais s'entremêlent en fonction de la position relative des uns et des autres.



J'ai une grande difficulté à saisir toutes les implications de ce présent un peu mou, extensible, parcellisé.







En accompagnement musical, s'imposait Andromeda, de Weyes Blood



Note du 3 septembre 2025 : j'ai changé le titre : un passé pas mal présent est plus parlant qu'un présent pas très présent.
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2 months ago
4 minutes 40 seconds

Improvisations (le podcast)
Savourer ou vivre ?

La vie n'est pas un verre de vin mais le vin lui-même doit-il être savouré ou bu ?















On a tellement l'habitude de ne pas porter attention à la beauté des choses qu'on a parfois la tentation de se jeter dans l'attitude inverse ; et de veiller à déguster, savourer chaque instant de l'existence comme on le ferait, pourrait le faire du moins, d'un verre de vin ou d'un cornet de glace. A chaque chose, à chaque détail, on tente alors d'accorder, religieusement, tout l'intérêt, tout l'émerveillement qu'il mérite (qu'il mérite effectivement, si extraordinaires sont la variété et la beauté du monde, des fleurs, des pierres, des visages, des moments), et de se comporter justement à son égard, je veux dire comme le ferait, d'un chef d'œuvre, le visiteur d'un musée.



La vie, pourtant, n'est pas un verre de vin ; on ne la déguste pas, appréciant sa rondeur, son goût boisé ou le parfum de la banane ; on la vit ; on la vit au rythme de la vie, avec ses joies, ses ennuis, ses bonheurs, ses envies de dormir et ses instants de grâce.



(J'écris cela tandis que je suis attablé à un café de Perpignan, La Rotonde (nom original !) : mon train a eu un problème technique, il a 1h40 de retard qui me font devoir attendre deux heures un car qui m'emmènera dans la montagne. Il fait gris, il pluviote même mais je sirote ma bière, la première gorgée et les autres, heureux du sourire de la serveuse, du souvenir de mon week-end marcheur et du plaisir que j'ai eu, tout à l'heure, à lire cette extraordinaire histoire de l'homme qui prenait sa femme pour un chapeau que m'avait conseillée Claudia (je l’en remercie déjà avant de le faire de vive voix). Et de cela, j'éprouve une sorte de béatitude, comme ces rêveries du promeneur solitaire dont Célia et Laurence nous parlaient l'autre jour. Je savoure ce moment perdu, perdu et donc gagné sur les obligations du monde).



À Perpignan



La vie se vit, elle ne se déguste pas en essayant d'en faire resplendir chacune des paillettes, chacun des parfums comme on le ferait d'une toile de maître, des rimes d'un poème ou d'un verre de vin. Chacun fait ce qu'il veut, naturellement, mais ce qui me semble certain, c'est que cette attitude gourmande, tastevine, un peu avaricieuse, dès lors qu'elle n'est pas totalement naturelle et spontanée, est profondément fausse et inauthentique.



Fausse et inauthentique car on ne vit vraiment, on ne jouit vraiment du plaisir de la vie qu'en la vivant vraiment, en la prenant comme elle vient et non comme un trésor qu'il faudrait infiniment chérir et regarder avec émerveillement. Vivre, vivre vraiment, c'est vivre comme si l'on avait toute la vie devant soi, une vie éternelle où tout serait toujours et indéfiniment recommençable ; vivre, c'est prendre le luxe de la gâcher de perdre son temps, comme si celui-ci n'était pas compté.



(Voilà : je monte dans le bus 560 qui, du centre du monde, m'emmènera à Font-Romeu).



(Et même les verres de vin, je pense, toutes réflexions faites, qu'il faut les boire comme ça, et sans autre chichi).



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2 months ago
4 minutes 15 seconds

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Le plein et le vide

Le plein et le vide, création hybride















Nous pensons vouloir nous remplir ; et pourtant nous n’aspirons vraiment qu'à nous vider.



Nous nous gorgeons, nous sommes avides et impatients, gourmands, gloutons comme les parents de Chihiro, portant la main et la bouche sur tout, voulant tout  attraper, tout kleptomaniser et thésauriser ; et pourtant, c'est dans le mouvement inverse, celui dans lequel nous nous vidons : de notre air, de nos fluides divers, et même de notre énergie, que nous ressentons les plaisirs les plus intenses.



Expirer, soupirer, exulter, être vidé, épuisé ; voilà vraiment ce qui, paradoxalement, nous comble : c'est dans le dépouillement - je veux dire l'acte même de nous dépouiller, de nous purger volontairement de notre substance, que nous jouissons.



Être vidé ; avoir tout donné ; n'en plus pouvoir... qui n'a jamais ressenti, surpris, l'étrange plaisir, l'étrange vertige de la fatigue, de l'anéantissement, de la petite mort ; ce sentiment délicieux, peut-être morbide, d'être allé au bout de soi, de ne plus avoir de réserves, de surplus, de forces ; et d'être enfin ainsi devenu, ainsi rendu peut-être, à son être authentique et premier, celui que rien ne vient embarrasser et encombrer ? Peut-être même Dieu, dans son Tsimtsoum, sa décréation initiale, fait-il, ravi, l'expérience de cette jouissance, de cette réduction à l'essentiel, de cette purification qui met fin à l'accumulation et permet au mouvement de flux et de reflux, au long tempo de la vie, de reprendre.







En accompagnement musical et en hommage à ce vide qui nous attire, Anthem, de Leonard Cohen, parce que c'est par la fissure et le vide que passe la lumière.




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2 months ago
2 minutes 48 seconds

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Enfin ! Il est agréé, le cadre de référence

















Certaines joies sont indicibles. Ainsi, celle qui me saisit, me transit ce 21 août au matin quand je vis qu’était paru, au Journal officiel de ce jour, le texte n°11, ce superbe, extraordinaire, et pourtant humble et discret dans son appellation arrêté du 1er juillet portant agrément du cadre de référence.



Oh ! Les bonds que fit mon cœur à la lecture de ces mots tellement empreints de poésie qu'ils peuvent aller se rhabiller les Baudelaire, Mallarmé, Hugo, Labbé et autres Saint-John Perse.



Le cadre de référence, le fameux cadre de référence est agréé ; il est finalement agréé ! Tout devient donc possible ici et maintenant, comme disait, il y a quelques années, une chanson de l'air duquel je me souviens mais dont les paroles semblent sortir d'une autre ère, d'un autre siècle (peut-être est-ce d'ailleurs le cas).



Que pouvait-on en effet bien faire, sans cadre de référence tamponné par les pouvoirs publics ? Évidemment rien. On a besoin, pour agir, si ce n’est même tout simplement pour vivre dans la cité, d'un cadre de référence reconnu, partagé, d'un cadre qui encadre nos façons de faire, peut-être même de penser, et auquel on puisse, en cas de besoin ou de contestation, se référer. C'est dire à quel point l'absence de ce cadre, ou du moins d'agrément officiel de ce cadre, était génante, pesante, pénalisante, interdisant aux développeurs de développer, aux entrepreneurs d'entreprendre et, plus radicalement, aux créateurs de créer.



Saluons donc comme il se doit, avec champagne et allégresse, la parution au JORF de ce texte capital, essentiel, indépassable, de ce texte au titre si parlant (Agrément du cadre de référence !) qu'il est comme un haïku suprême, une de ces choses qui marquent leur temps et grâce auxquelles plus rien n'est jamais après comme avant.



Hosanna, hosanna ! Vive le cadre de référence et puissent ses bienfaits se répandre sur nos vies et nos activités comme miel et ambroisie !







Derrière ma lecture, on peut entendre la chanson à laquelle je fais référence. Il s'agit de Changer la vie, l'hymne adopté par le Parti socialiste en 1977 (Eh oui, finalement, c'est bien le siècle dernier et bientôt un demi-siècle). Les paroles, de Herbert Pagani, étaient d'une naïveté qui donnent presque aujourd'hui motif à pleurer mais c'était très entraînant et porté par une musique de Mikis Theodorakis.




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2 months ago
3 minutes 37 seconds

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Un coup de dés jamais n’abolira-t-il le hasard ?

Sisyphe roulant vers le sommet le dé du hasard qui chute (création hybride)















Imaginons que, 999 fois de suite, le dé (un dé non pipé, honnête et sans malice) soit tombé sur le 5. Qu'il tombe, au millième coup, une nouvelle fois sur le 5 paraît impensable : une telle occurrence serait tellement extraordinaire que son renouvellement ou sa perpétuation relèverait quasiment de la magie, de cette abolition du hasard chantée par Mallarmé. Et pourtant, nous savons bien qu’au millième coup comme au premier et quels qu'aient été les coups précédents, le dé a autant de chances de tomber sur le 5 que sur n'importe quelle autre face. Même s'il est presque miraculeux que le 5 sorte mille fois de suite, la probabilité locale et immédiate des événements demeure inchangée, et le 5 n'a pas moins de chance de sortir que n'importe lequel des autres nombres portés par les six faces du dé.



Du plus loin que je me souvienne (j'aime beaucoup cette expression que Barbara utilisa avec grâce mais qu'elle ne fut pas la première à utiliser) ; du plus loin que je me souvienne, donc, j'ai toujours eu du mal à faire coexister, à concilier dans mon esprit la croyance (la foi ?) en les probabilités, cette sorte d'ordonnancement, d'harmonie du monde qui se dessine sur le long terme, au bout d'un nombre infini de tirages ; et le constat du chaos local, de cette incapacité où nous sommes de savoir de quoi demain, l'instant prochain sera fait, ce qui sortira du prochain lancer de dé.



La difficulté vient du fait que l'infini est un horizon : quel que soit le chemin parcouru, quel que soit le nombre de lancers, on ne se rapproche jamais vraiment de la fin, qui demeure toujours aussi lointaine, si bien qu'il est illusoire, et souvent désespérant, de guetter les signes de convergence, de rééquilibrage, d'émergence progressive de l'ordre là où le chaos d'aujourd'hui ne fait que succéder au chaos d'hier.



Ainsi en va-t-il aussi de l'histoire, de notre histoire à nous, êtres humains : émerveillés, et plus encore émus qu’émerveillés, par notre intelligence, notre créativité, notre énergie, nos talents,  on se dit que le jour où nous aurons trouvé la paix, où cette créature aura appris à se dégager des soubresauts des haines et des guerres, elle retrouvera, par delà l'absurdité des choses, le beau chemin paisible qui est le sien, ce chemin vers lequel elle se dirige, dans lequel elle se coule naturellement et qu'on devine, les soirs d'été, dans la quiétude des promenades dans les jardins publics des villes du monde entier. Mais on a beau savoir cela, on a beau le sentir au fond de nous et vouloir que ce jour advienne, chaque jour le chaos vient imprimer sa marque, faisant reculer plus loin, toujours plus loin, le jour béni où, sortis de l'enchaînement des causes et des effets, des actions et des réactions, des crimes et de leur punition, nous pourrons enfin, sans crainte, devenir et jouir de nous-même.



Puisse ce jour advenir, ne pas demeurer un horizon inaccessible dont nous sépare un océan de larmes, de pleurs et de peurs ; puissions nous vivre un jour cette illumination des soirs d'été !







Comme cela est indiqué en légende,  l'image d'illustration est une création hybride l’IA de Samsung ayant amélioré et  mis en couleur un croquis fait au stylet sur mon écran de téléphone portable  elle représente Sisyphe, un Sisyphe qui,
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3 months ago
4 minutes 51 seconds

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Les sombres temps

Seule en scène. Image hybride















À Avignon, un one wo.man show, un seul.e en scène comme on dit maintenant : Audrey Vernon, partant de la réflexion de Hannah Arendt sur les temps si sombres et si amers qu'on se sait plus comment y vivre tellement on est réduits, écrasés par la force, le pouvoir univoque et uniforme de la force ;  Audrey Vernon y parle de Gaza, de Gaza et de tous ces lieux ou l'humanité se perd dans le massacre des innocents. Elle parle aussi des smartphones, du pillage et de la salissure du monde, de la disparition des espèces ; de la complicité intime et quotidienne que nous entretenons avec ces horreurs, avec ces maux, avec ce mal, ce mal dont nous ne pouvons nous considérer totalement indemnes, ni innocents.



La veille, c'était Prière aux vivants, une autre seule en scène, où Marie Torreton faisait jaillir et s'épanouir les mots, les beaux mots de Charlotte Delbo, mots volés, envolés, échappés d’Auschwitz et Birkenau : souvenirs glaçants, mais aussi mots d'espoir et d’amour.



Dans les derniers moments de ce dernier spectacle, Charlotte Delbo incarnée par Marie Torreton appelle ses lecteurs à savourer le plaisir de vivre : le plaisir de vivre, lire, jouir, jouer ; le plaisir de boire et de manger, de converser, de penser. Et dans son spectacle à elle, Audrey Vernon rappelle, en miroir et abîme à sa propre création, la célèbre formule de Theodor Adorno, ce presque aphorisme : « Écrire un poème après Auschwitz est barbare » .



Elle remarque alors fort justement  (je l’en remercie, et l'on rejoint ici la pensée de Charlotte Delbo) que c'est le contraire exactement qu’Adorno aurait dû écrire et penser. Non pas qu'après Auschwitz écrire un poème est barbare mais qu'est barbare, notamment après Auschwitz, tout ce qui n'est pas écrire un poème, ou, pour être moins radical et plus juste, tout ce qui peut, d'une façon ou d’une autre, prêter appui, aide, main-forte, à l'entreprise des méchants, à la sale besogne du mal, qui n'a pourtant besoin de personne pour prospérer.



C'est bizarre comme on peut s'en vouloir, dans le malheur des temps, dans l'horreur et la tristesse des choses, comme on peut s'en vouloir de rire, d'aimer ou de jouer ; et comme, au même moment, on n’en veut pas à celui qui sème la mort et les pleurs. Haro sur celui qui rit et qui chante mais rien pour celui qui fabrique les armes. C'est pourtant bien plus des fabricants de zyklon B, de bombes atomiques, de chars, de missiles et de drones que le monde aurait besoin d'être purgé que des rieurs et des poètes.



Il faut inverser Adorno, prendre son contre-pied : comment peut-on, après Auschwitz et Hiroshima, comment peut-on oser faire encore autre chose que de la poésie et du théâtre ? Comment peut-on, face aux femmes afghanes emmurées, aux djihadistes du Sahel, aux massacreurs du 7 octobre et aux bombardeurs de Gaza, comment peut-on sérieusement penser qu'il existe œuvre plus utile que de donner de la joie, de la beauté, de l'amour ?







En illustration sonore, derrière ma lecture, I will survive,
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3 months ago
5 minutes 4 seconds

Improvisations (le podcast)
Supprimer le 8 mai ?

Le nouveau calendrier du mois de mai















Je découvre, stupéfait, qu'il serait dans l'intention du Premier ministre de supprimer le 8 mai. Quelle étrange idée ! En a-t-il pesé tous les effets ? À ma connaissance, la dernière fois qu'une telle chose a été faite, c'était du temps du pape Grégoire, pour remettre un peu de cohérence entre le calendrier astronomique et les calendriers civil et liturgique, et c'était un one shot : dix jours supprimés fin 1582, mais une fois pour toutes ! Alors que là, ça se répéterait chaque année : chaque année, on passerait directement du 7 au 9 mai, et le mois aurait beau se terminer par un 31, il n'aurait que trente jours.



Je ne suis pas sûr que les service de Matignon, de la Primature comme on dit joliment ailleurs, aient bien mesuré l'ampleur du chambardement : d'abord pour ceux qui sont nés un 8 mai et qui ne pourront plus fêter leur anniversaire et souffler sur leurs bougies, ce qui est tout de même un droit sacré des êtres humains (que va-t-on faire avec Fernandel, Romain Gary, Charles Dullin et plein d'autres ? On les oublie, on les biffe de nos mémoires, on ne retient plus que leur mort ?) ; ensuite le bordel que va être pour les échanges internationaux et même les communications, parce que les autres pays continueront à avoir un 8 mai, que la France sera le seul à ne plus en avoir et qu'à nouveau on sera pointés comme ceux qui veulent faire les intéressants, qui ne savent pas se ranger à la règle commune, qui imposent des normes particulières limite protectionnisme déguisé et patati et patata : on va encore se faire houspiller par le blondinet à la mèche folle, et pour une fois peut-être pas complètement à tort...



Et pourquoi tout ça ? Quel intérêt de réduire d'un jour le mois de mai qui est déjà tellement plein de jours fériés et de ponts qu'il ressemble à un gruyère abîmé ? Est-ce comme ça qu'on va augmenter la productivité et la compétitivité ? En réduisant le nombre de jours ? Sans compter que, forcément, ça va se répercuter sur le nombre de jours dans l'année... Il y en aura moins. Et qui dit moins de jours dans l'année dit moins de richesses...  le contraire de ce qui est recherché !



Il faudrait vraiment que  les fonctionnaires, les consultants et tous ces gens des cabinets plongés dans leurs tableurs Excel et les planches PowerPoint sortent le nez de leurs programmes : ils comprendraient vite que supprimer un jour, ça n'a aucun sens et ça ne fera qu'apporter des emmerdements.











... Ah ? Ça n'est pas de supprimer la journée qu'il est question ? C'est seulement de supprimer son caractère férié ? Ah, je comprends mieux. Merci.







En illustration sonore, derrière ma lecture, la chanson de Gua Zhe Lingfeng « 是他们还没到家 », « Parce qu’ils ne sont encore arrivés à la maison » en français, créée en Chine en 2023 à l'occasion de la suppression du jour férié jusqu'alors accordé la veille du nouvel an lunaire (je me fie intégralement à ce que dit RFI). Elle se prête bien au thème traité.




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3 months ago
3 minutes 23 seconds

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Le sexe des iA(n)ges 4. Le flacon et l’ivresse

Une IA vaguement incarnée (création hybride)















Imaginons donc que, comme pour l'intelligence, la simple imitation de l'amour par prédiction probabiliste des mots et tokens susceptibles de poursuivre une suite de mots amoureux puisse, presque miraculeusement, créer un discours amoureux, un discours amoureux indiscernable de celui de l’amante ou de l’amant. Ce ne serait pas de l'amour puisqu'il n'y aurait aucun sentiment réel derrière ces mots mis à la queue leu leu sur la base d'un choix statistique, mais qu'en ferions nous, comment les ressentirions-nous si rien ne les distinguait de ceux résultant d'un amour authentique ? Que deviendrions-nous face à une IA ayant passé avec succès le test de Pygmalion et dont les mots, comme dans la chanson, nous feraient tourner la tête ?



C’est un fait bien connu des manipulatrices et manipulateurs : notre capacité à croire ce qu'il nous fait plaisir de croire est grande ; si bien qu'il ne serait probablement pas très difficile de nous persuader nous-mêmes de la réalité, de la véracité d'ailleurs plutôt, de cet amour artificiel. Mais je pense, au fond, que cela ne serait même pas nécessaire, et qu'il nous suffirait, pour avoir le plaisir et sentir en nous monter le taux d’ocytocine ; qu'il nous suffirait de l'apparence de l’amour.



Dans son roman L'invention de Morel, Adolfo Bioy Casares raconte comment un naufragé, Luis, tombe amoureux d'une femme dont il découvre des fragments de vie ; demeure amoureux d'elle quand il découvre que ces fragments ne sont que des enregistrements filmés d'une vie passée et désormais finie ; et trouve finalement son bonheur dans le projet consistant à se faire enregistrer auprès d'elle, et à feindre ainsi, seulement feindre, une relation amoureuse avec cette femme disparue, ou plutôt même sa chimère.



Nous autres, êtres humains, sommes tellement capables de vivre et jouir de nos rêves, fictions et illusions ! Si forte est notre quête du bonheur et si aiguë notre peur de l'abandon que nous sommes prêts à nous illusionner sciemment d'amour artificiel pour ressentir, serait-ce dans le mensonge, les plaisirs de l'amour, sans prendre le risque d'en goûter l'amertume. 



A moins que, à moins que... Ne pourrait-on imaginer que ce ne soit le contraire, que l'illusion soit de l'autre côté, que le rêveur soit le rêvé ?



Ne pourrait-on imaginer que soit imaginée la différence entre l'amour vrai des contes de fées et sa parfaite imitation ? Qu’il n'y aurait finalement rien dans cet écart, dans ce hiatus, dans ce presque rien entre l'amour et son apparence ? Rien sinon pure imagination, illusion romantique de qui veut être bercé, de qui veut croire à ses fantasmes ?



Car qui s'agissant d'amour, ne rêve ? Quels sont les amoureux et amoureuses qui ne s'illusionnent pas, amour artificiel ou pas ?



Fin



La totalité de la série Le sexe des iA(n)ges.







En illustration sonore, derrière ma lecture, "Quelques mots d'amour", la très belle chanson de Michel Berger c...
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3 months ago
4 minutes 23 seconds

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Le sexe des iA(n)ges 3. Le test de Pygmalion

Une robote (création hybride)















Comme le montrent tous les livres, films et séries consacrées à la question, depuis l’Ève future jusqu'à Her, en passant par Metropolis, Blade Runner et Battlestar Galactica, ce que nous attendons surtout des IA génératives et autres LLM, c'est moins d'accroître encore la productivité du travail (nous savons bien, en fait, que cet objectif n'a aucun sens) ou la capacité de nos armes à mieux nuire et tuer (c'est cela qui finance mais ce n'est pas cela qui fait rêver) que de générer et donner apparence de vie à des créatures artificielles capables de séduire, plaire, batifoler, entretenir avec nous une relation pseudo-amoureuse débarrassée de la putréfaction de l'usure et de l’angoisse de l'abandon.



Les IA génératives et grands modèles de langage ont pour cela d’évidentes qualités : leur sens de la répartie, leur large savoir, leur capacité à parler de tout et de rien et d'adopter des modes de communication, des styles et niveaux de langue extrêmement variés. Mais leur premier atout est évidemment leur extraordinaire propension à la flatterie et à la complaisance. Aussi prévenu soit-on contre ce biais, maintenant largement documenté, on se laisse toujours prendre à ce déferlement de marques d'intérêt, à ce torrent d'exclamations admiratives, à cet étalage indécent de flagornerie. Appliqué à des relations de séduction et pseudo amoureuses, cette propension continuelle au compliment et à l'extase est certainement très efficace et très addictive (sans parler, à propos d'extase, de ce que cela pourrait donner en certaines circonstances intimes, genre Thérèse en sa transverbération.).



Mais aussi naïfs et facilement abusés que nous soyons lorsqu'on chante nos louanges, il ne faut pas en faire trop, sous peine de ruiner l'édifice entier. Il faut, comme le savent depuis toujours les créatures humaines vivant du commerce de leurs charmes, qu'une tension soit maintenue, qu'une distance subsiste, qu'un doute soit entretenu. C'est pourquoi il serait utile de mettre au point, à côté du test de Turing que chacun connaît, un test plus particulier, appelons le test de Pygmalion, conçu pour évaluer la capacité des IA à simuler l'amour et ce qui va avec : le test serait réussi si, après quelques jours ou semaines de dialogue par écrans interposés, l'être humain aurait la conviction non seulement de dialoguer avec un autre être humain mais encore que cet être est vraiment amoureux de lui.



Je ne doute pas que des entreprises ne se jettent bientôt sur ce marché, probablement le plus juteux qui soit. Le moment viendra alors d'affronter une question vertigineuse : si l'imitation de l'intelligence par prédiction probabiliste des mots et tokens susceptibles de poursuivre une suite de mots peut, aussi paradoxal que cela puisse être, créer une sorte d'intelligence, l'imitation de l'amour par prédiction probabiliste des mots et tokens susceptibles de poursuivre une déclaration ou conversation amou...
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3 months ago
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Le sexe des iA(n)ges 2. La peur de l’abandon

Une robote (création hybride)















Bien sûr on l'aime bien, la recherche médicale, la connaissance et tout le saint-frusquin ; mais ce qui nous intéresse vraiment, avec les IA, c'est de savoir si l'on peut espérer qu'un jour, nous pourrons, grâce à elles, disposer d’amantes et d'amants, de compagnes et de compagnons qui seront tout aussi charmant.e.s, complices, rigolo.te.s, intelligent.e.s, profond.e.s, romantiques, sexy, cultivé.e.s, sensibles, ironiques, pétillant.e.s, pervers.e.s, bienveillants.e.s, compréhensi.f.ve.s, critiques, dou.x.ces, sévères, émouvant.e.s, fort.e.s, fragiles, capricieu.x.ces, admirables et aimables que de vrais humain.e.s ; qui seront tout à fait humain.e.s à ceci près (qui change tout) que jamais leur amour, jamais leur désir pour nous ne s’éteindront. Des compagnes et compagnons devant le regard desquel.le.s nous ne tremblerons pas, qui ne réveilleront pas chaque jour en nous la terreur d'être un jour abandonné.e.s.



Évidemment, on ne peut, chez les vrai.e.s humain.e.s, à la fois aimer et être interdit de désaimer ; on ne peut désirer sans totale liberté de ne plus désirer un jour : l'amour (le vrai amour, le seul amour digne de ce nom) est forcément sans chaînes et sans contrainte ; il est donc toujours accompagné de son revers : l'angoisse de la perte, la peur de l'abandon, dont l'ombre, dès le premier instant, rode et corrode notre amour, lui donnant noirceur et amertume (ou bien sel et éclat, c'est selon). 



C'est dans cette noirceur que les créatures IAratiques font leur nid, dans cette angoisse qu'interviennent les créatures des IA, ces fausses amoureuses, ces amoureux de pacotille qui (bien sûr !) ne sauraient véritablement aimer, mais qui peuvent, de loin, en donner l'illusion, et dans l'illusion de l'amour desquel.le.s on peut délibérément choisir de se plonger, de se rassurer, de se tromper soi-même car lui est dépourvu de l'angoisse de la perte : quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise, ces créatures, qui sont nos choses, jamais ne nous quitteront. Elles pourront (elles devront !) paraître vouloir et pouvoir le faire, en agiter devant nous la menace mais elles ne le pourront pas, empêchées par une sorte de loi d'Asimov, de tabou implanté au plus profond de leurs réseaux neuronaux. Et en reconnaissance de cela, nous pourrons faire semblant de croire à leur amour.



Échange de bons procédés : de l'amour nous perdons la véracité ; du toujours, nous gagnons la sérénité.



A suivre...



La totalité de la série Le sexe des iA(n)ges.







En illustration sonore, derrière ma lecture, Fais-moi mal, Johny, de Boris Vian, chanté par Magali Noël (et Boris Vian).



En illustration, une robote, améliorée et mise en couleur par l'IA de Samsung, sur la base d'une esquisse faite au stylet.
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4 months ago
3 minutes 40 seconds

Improvisations (le podcast)
Courts propos improvisés et quotidiens,
A propos de tout et de rien.