
Index ∆-221 / Journal d’observation
L’obscurité s’est repliée sur elle-même.
J’ai d’abord cru à une panne de capteurs. Une erreur dans lebalayage photométrique. Mais les vérifications sont formelles : dans le secteur73-Kappa, les niveaux de rayonnement sont tombés à zéro. Pas seulementl’absence de lumière. L’absence même de vide.
Je devrais voir les traces de fond diffus cosmologique, lesbruissements de micro-ondes, les résidus de l’expansion primitive. Mais non.Là-bas, il n’y a rien. Un rien plus dense que le rien habituel. Une négationactive de l’espace.
Ce n’est pas un trou noir. Il n’y a pas de courburegravitationnelle, pas de lentille relativiste. Même la matière noire,habituellement devinée par son influence orbitale, semble fuir cette région.
J’ai tenté une émission test. Trois impulsions neutriniques,à des fréquences distinctes. Aucune réponse. Le signal ne revient pas. Il nerebondit pas. Il n’est pas absorbé non plus. Il est… perdu. Comme si les loisde la conservation s’interrompaient là.
J’ai croisé ce matin une ancienne formule thermodynamique,griffonnée dans un carnet oublié : "rien ne se perd, rien ne secrée." Ici, ce n’est plus vrai.
Je note un frémissement dans mes propres instruments. Unehésitation algorithmique. Mes modèles ne savent plus extrapoler. Il y a dans cesilence un effondrement plus ancien, plus profond, que le temps lui-même.
Je vais continuer à observer. Même si je ne sais plus ce quej’observe.