Il vit seul, dans une maison posée au bord du monde. Un de ces lieux qu'on ne trouve pas sur les cartes, où le silence ne pèse jamais, et où chaque chose semble avoir été placée là pour apaiser. Il ne parle pas beaucoup, ne voit presque personne, mais il écoute. Il écoute les bruits du bois, les craquements du plancher, les silences entre les notes, les souvenirs qui passent.
Chaque soir, il répète les mêmes gestes. Non pas par habitude, mais comme on referme doucement un livre avant d’aller dormir. Une tasse de tisane. Un fauteuil un peu usé. Une couverture trop grande. Et, face à lui, une immense bibliothèque. Mais ici, pas de livres.
Juste des bocaux. Des centaines de bocaux en verre, soigneusement étiquetés, rangés, classés.
Dans chacun d’eux : un souvenir qu’il a choisi de ne pas oublier.
Le goût d’un baiser sous la pluie.
L’odeur d’un oreiller qu’on ne retrouvera plus.
Le frisson d’une main posée dans le dos, un soir où il faisait froid.
Ce soir, il ouvre celui de la pluie.
Et tout revient, doucement.
Non pas dans un flot de douleur ou de nostalgie. Mais comme une musique qu’on n’a pas entendue depuis longtemps et qui, sans prévenir, réchauffe quelque chose à l’intérieur.
Dans ce premier épisode de Les Nuits Suspendues, je t’invite à rencontrer un homme qui range la pluie.
Un homme comme il en existe peut-être plusieurs, ou peut-être un seul.
Un homme dont les gestes sont des rituels, et la mémoire, un trésor fragile.
Laisse-toi porter.
Ici, rien n’a besoin d’être compris.
Il suffit d’écouter. De ressentir. De respirer.
Et si tu t’endors avant la fin, c’est que tu es au bon endroit.