
La première quinzaine de septembre 2025 restera comme celle où l'ambition d'un redressement budgétaire brutal a plongé le pays dans une crise politique majeure, laissant le secteur de l'innovation suspendu à un avenir incertain. En deux semaines, la France a vu un gouvernement tomber, sa note financière dégradée, et l'écosystème technologique exprimer publiquement ses craintes.
Le choc Bayrou et la chute (1er - 8 septembre)
Dès le 1er septembre, le ton est donné. Le débat public est saturé par le plan budgétaire de François Bayrou, présenté fin août : 44 milliards d'euros d'économies, une "année blanche" pour certaines dépenses, et la menace de supprimer des agences publiques jugées "improductives". Pour l'innovation, le projet est à double tranchant : une réorientation des crédits de France 2030 vers l'IA et la cybersécurité est promise, mais la rigueur annoncée fait craindre des coupes claires dans les budgets de soutien (ANR, Ademe, Bpifrance) et les dispositifs fiscaux.
La semaine culmine le 8 septembre à l'Assemblée Nationale. Dans un discours grave, François Bayrou pose une "question historique" sur la survie du modèle français face à la dette. Il engage sa responsabilité. La réponse des oppositions est unanime et cinglante. De Mathilde Panot (LFI) à Marine Le Pen (RN), en passant par Boris Vallaud (Socialistes) et Laurent Wauquiez (LR), tous dénoncent un "programme d'austérité d'une violence inouïe" et refusent la confiance. Le gouvernement tombe.
Instabilité politique, sanction économique (9 - 13 septembre)
La crise est immédiate. Sébastien Lecornu est nommé Premier ministre le 9 septembre avec la lourde tâche de trouver une majorité. Ses premiers gestes sont conciliants, abandonnant la mesure symbolique sur les jours fériés et entamant des consultations. Mais le mal est fait. Le 12 septembre, l'agence de notation Fitch dégrade la note de la France. Le motif est sans équivoque : "l'instabilité politique" qui complique la mise en œuvre de réformes et la consolidation budgétaire. La crise politique a désormais un coût économique tangible, affectant la crédibilité du pays auprès des investisseurs.
La voix inquiète de l'écosystème (14 septembre)
Pendant que les agences publiques comme l'ANR et l'Ademe, potentiellement visées par les coupes, observent un silence prudent, le secteur privé monte au créneau. Le 14 septembre, dans une tribune au vitriol, France Digitale et plusieurs associations de la Tech tirent la sonnette d'alarme. Face au chaos politique, ils s'inquiètent de l'avenir de dispositifs clés, citant la réforme du statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI), le possible non-renouvellement du Crédit d'Impôt Innovation (CII) après 2027, et les modifications déjà actées du Crédit d'Impôt Recherche (CIR). Leur message est clair : sans stabilité et sans une stratégie pro-innovation lisible, les investissements et les talents iront voir ailleurs.
Au 15 septembre, la situation est en suspens. Le nouveau Premier ministre poursuit ses consultations pour former un gouvernement et trouver un chemin pour le budget 2026. Mais pour les acteurs de l'innovation, l'incertitude est totale. Le plan Bayrou est mort, mais l'exigence de rigueur demeure, désormais aggravée par la méfiance des marchés. La question qui hante le secteur n'est plus de savoir comment le budget va soutenir l'innovation, mais si l'innovation ne sera pas la première variable d'ajustement sacrifiée sur l'autel d'une fragile paix politique.