Michel Berger, ce bourreau de travail qui ne savait pas s’arrêter de peur d’être rattrapé par ses angoisses d’homme abandonné, oui, ce Michel Berger avait-il des rêves ? En tout cas, au début des années 80, un immense bonheur lui tombe dessus. Lui qui quinze ans plus tôt avait arrêté de chanter car, disait-il, les Français ne pouvaient pas suivre les Américains et les Anglais sur leur propre terrain, enregistre désormais à Hollywood, Los Angeles. Auteur, compositeur, producteur et mari de
France Gall, Berger s’est non seulement remis à la chanson mais en est déjà à son sixième album. 1980 a d’ailleurs été l’année de France et Michel : 5 tubes à eux d’eux et leurs albums respectifs au sommet des ventes, ils ont même séduit Elton John qui souhaite travailler avec France Gall, et lui, bien sûr.
Fin août, Michel est donc en studio à Hollywood avec la déjà légendaire équipe d’
Elton John pour l’enregistrement des trois premiers titres d’un album à venir. Michel a écrit et composé le premier titre, et écrit le texte du second sur une musique d’Elton qui lui demande des conseils de prononciation en français. Le courant passe très bien entre les deux hommes : Michel tente de s’adapter à son style, Elton lui laisse le champ libre à la production. Précisons qu’il en profite aussi pour essayer les costumes de la prochaine tournée dans le studio juste à côté. Le troisième titre sur lequel ils travaillent ne sera jamais terminé, comme le reste de l’album du duo France Gall – Elton John. Il n’y aura pas de tournée non plus mais un nouvel album pour France Gall qui atteindra pour la première fois le million d‘exemplaires. L’adolescente star des sixties devient alors la favorite des nouvelles radios libres ouvrant le robinet des années Berger qui assoit son influence jusqu’à l’improbable mais très réussi nouvel album de
Johnny Hallyday en 1985.
Pourtant, la fortune et la gloire ne parviennent pas à tuer cette mélancolie qui pèse sur la vie de Michel Berger. La série noire des proches qui partent trop tôt ne semble pas vouloir cesser :
Joe Dassin en 1980, Bernard Hamburger, son frère aîné deux ans plus tard,
Daniel Balavoine et
Coluche (le parrain de son fils) en 1986.
De plus, Michel souffre de ne pas être reconnu par le vrai bizness, celui des anglophones. Son album en anglais n’a pas trouvé preneur en 1982. Quatre ans plus tard, il doit produire
Diana Ross mais sa maison de disques ne veut pas d’un inconnu, ce seront finalement les
Bee Gees. Enfin, affront suprême, la même année Les Misérables de son vieux copain
Claude-Michel Schoenberg triomphent sans partage au box-office américain et anglais.
Et puis, coup de pouce d’un fan haut placé en 1988,
François Mitterrand fait jouer Starmania à l’Elysée pour
Lady Di et le
Prince Charles. Et neuf mois plus tard, Michel entame une production de Starmania rebaptisé Tycoon en anglais pour lequel il va réunir une brochette de stars dont le chanteur de
Cock Robin qui lui offre son premier hit britannique. Malheureusement Tycoon ne sera jamais joué ni à Londres, ni à Broadway, emporté au paradis par la disparition brutale de son compositeur.