
Extrait de Histoires du soir, un livre de Benoît Broyart illustrépar Laurent Richard, en vente dans La Librairie de Benoît :
https://www.lalibrairiedebenoit.fr/shop/histoires-du-soir-201
Emmitouflé dans sa capuche, bien au chaud sur le traîneau, Nanoukregarde défiler le paysage blanc en souriant. Nanouk va pêcher avecson papa. Ca fait des mois qu’il attend ça. Des mois qu’ilrépète : « Je suis assez grand pour venir avec toi. »Nanouk sera le grand garçon que son papa espère. Un garçon capablede manier l’hameçon.
Le traîneau s’arrête bientôt.
– Aide-moi, Nanouk. Si nous voulons ramener du poisson, il n’y apas de temps à perdre !
Avec son papa, Nanouk sort le matériel et prépare les lignes.
– Maintenant mon fils, on va attendre que les poissons mordent àl’hameçon.
Attendre, Nanouk déteste ça. Pendant que son papa surveille leslignes, il regarde la banquise.
Là-bas, on dirait que la glace a bougé. Nanouk se lève pour voirplus loin. Il aperçoit alors une grosse forme blanche quis’approche. Aucun doute, c’est un ours. Nanouk est impressionnémais il n’a pas peur. Un animal sauvage n’est pas méchant. Sil’ours continue à avancer, il les aura bientôt rejoints. Nanouktape sur l’épaule de son papa, ravi.
– Je crois que nous avons de la visite.
Le papa de Nanouk se relève brusquement, inquiet.
– Nous n’allons pas rester. C’est trop dangereux. Même sil’ours préfère les phoques, il mange des poissons aussi. Et à lapêche, un concurrent de cette taille, je n’en veux pas. Je nefais pas le poids.
Le papa de Nanouk range ses lignes. Mais au moment de repartir, c’estla catastrophe. L’avant du traîneau s’est pris dans la glace.Avec une petite pioche, le papa de Nanouk tente de dégager au plusvite le traîneau. Il sait que le danger n’est pas loin.
– Reste à côté de moi, mon garçon.
Nanouk ouvre les yeux en grand. La bête est à vingt mètres, pasplus. L’ours est énorme. Sa fourrure est magnifique. Nanoukvoudrait s’approcher pour le caresser mais il sait que c’estimpossible. C’est un ours. Un vrai. Pas une grosse peluche. Plusque dix mètres. L’animal est tout près.
Sur la banquise, les deux poissons pêchés ont été oubliés. Lepapa de Nanouk, trop pressé, ne les a pas ramassés. C’estl’occasion rêvée de faire un cadeau à l’ours blanc.
Nanouk saisit l’un des poissons par la queue et l’envoie versl’animal en criant :
– Tiens, mange-le si tu as faim.
L’ours blanc avale le poisson et le papa de Nanouk se retourne,fâché :
– Tu veux qu’on se fasse croquer ? Qu’est-ce que tu fais !
– J’envoie un poisson à mon ami.
– Tu ne pouvais pas faire mieux pour l’attirer. Tiens-toitranquille. Nous allons pouvoir partir, j’ai presque fini.
Nanouk n’a pas envie de désobéir mais il reste un poisson sur labanquise… et il a une idée pour que son papa ne soit plus fâché.Il attrape discrètement le dernier poisson et le jette le plus loinpossible dans l’eau.
On entend un gros plouf ! et le papa de Nanouk sursaute. L’oursblanc a plongé sans hésiter. C’est un bon nageur, l’eau ne luifait pas peur.
Heureusement, après avoir englouti le poisson, l’animal ne revientpas dans leur direction. Un peu plus loin, sur un morceau debanquise, des phoques se prélassent. Et pour le grand chasseurqu’est l’ours blanc, les phoques sont plus intéressants que lespoissons.
Les pêcheurs sont repartis. Emmitouflé dans sa capuche, bien auchaud sur le traîneau, Nanouk regarde défiler le paysage blanc ensouriant. Son papa ne le grondera pas. Nanouk les a mis hors dedanger grâce au poisson qu’il a jeté dans l’eau. Les pêcheurssont bredouilles mais Nanouk est très courageux. Il est bien legrand garçon que son père espérait.