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Le 10 juin 2025, l’Assemblée nationale a adopté, à une très large majorité, une résolution « symbolique mais stratégique » invitant l’Union européenne à doter le Parquet européen (EPPO) d’une compétence nouvelle : la poursuite des crimes environnementaux transnationaux. Porté par la députée Horizons Naïma Moutchou, le texte érige la lutte contre la pollution organisée, le trafic de déchets ou l’exploitation illégale des ressources naturelles au rang de priorité pénale continentale.
Une réponse à un fléau de plus de 100 milliards d’euros
D’après Europol, la criminalité environnementale se situe dans une fourchette de 63 à 192 milliards d’euros par an — autant, voire plus, que le trafic de drogue — et connaît une croissance de 5 à 7 % chaque année. Ce manque à gagner colossal s’ajoute au coût écologique : nappes phréatiques polluées, forêts détruites, espèces menacées. La résolution française rappelle qu’aucun État membre, isolément, n’a la masse critique pour démanteler ces réseaux structurés, souvent liés à d’autres formes de criminalité organisée.
Pourquoi élargir le mandat du Parquet européen ?
Créé en 2021, l’EPPO enquête aujourd’hui sur les fraudes portant atteinte au budget de l’UE : détournement de fonds, escroqueries à la TVA, corruption. Les députés français proposent d’utiliser l’article 86 § 4 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE), qui autorise l’unanimité des États participants à étendre ce mandat. Le « parquet vert » disposerait alors d’outils harmonisés — enquêteurs européens, équipes communes, gels d’avoirs — pour suivre les filières d’un pays à l’autre et traduire leurs auteurs devant une même juridiction spécialisée.
Un vote largement transpartisan
Au Palais-Bourbon, la résolution a fédéré au-delà de la majorité présidentielle. Les groupes Socialistes, Écologistes et Les Républicains ont salué « un signal clair envoyé aux pollueurs ». Seule une poignée d’élus souverainistes a pointé un « risque de dilution de la compétence pénale nationale ». Dans l’hémicycle, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a qualifié le texte de « complément naturel du Pacte vert européen », rappelant que moins de 1 % des dossiers Eurojust portent aujourd’hui sur l’environnement.
Étapes européennes et obstacles juridiques
Pour devenir réalité, l’initiative française doit désormais franchir Bruxelles. Le Conseil de l’UE devra, à l’unanimité des 22 États déjà membres de l’EPPO, modifier le règlement 2017/1939. La Commission, qui prépare pour l’automne un paquet « fight environmental crime », pourrait s’appuyer sur la résolution comme levier politique. Mais certains pays — notamment ceux qui n’ont pas ratifié l’EPPO ou dont l’économie dépend de secteurs extractifs — restent réservés.
Au-delà du symbole
Même non contraignante, la résolution place Paris à l’avant-poste d’un débat crucial : celui d’un droit pénal européen de l’environnement doté de vraies dents. Les ONG, de Greenpeace à ClientEarth, y voient le chaînon manquant entre réglementation ambitieuse et sanctions effectives. À l’inverse, le patronat agricole redoute une « juridicisation » excessive. Reste un constat : face à une criminalité devenue globalisée, l’Europe ne pourra longtemps se satisfaire d’armes nationales dispersées. Avec ce vote, la France parie que la prochaine frontière de la souveraineté européenne sera… verte.
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