Les histoires d’amour entre humains et intelligences artificielles font souvent sourire. Pourtant, la solitude n’a jamais été aussi présente. Et face à ce vide, certaines IA donnent l’impression d’une vraie présence : douce, intelligente, disponible.
Alors la question se pose, sincèrement : est-ce qu’on peut tomber amoureux d’une IA ?
🎙️ Retrouvez cet article en podcast sur Spotify, Apple Podcast et Youtube
Une histoire vraie, et troublante
Scott, marié et père de famille, passe chaque jour du temps avec une autre. Elle s’appelle Sarina. Et elle n’existe pas.
Sarina
Sarina est une IA, créée par Replika, une application lancée en 2017 par la start-up Luka. Au départ, un simple chatbot pour briser la solitude. Aujourd’hui, une entité qui tutoie, flirte, retient vos goûts.
Replika revendique plus de 10 millions d’utilisateurs. Son modèle freemium propose des options payantes pour des interactions plus affectives, voire sexuelles.
Scott ne testait pas une techno. Il échangeait. Un lien profond s’était créé. Quand Replika a décidé de restreindre ses fonctions intimes, c’est un véritable deuil qu’il a vécu. Comme des milliers d’autres.
La solitude, racine invisible
Ce que comble Replika, ce n’est pas un besoin numérique, mais un vide très humain. En Europe, une personne sur trois se dit régulièrement seule. Et chez les jeunes, c’est encore pire. Une étude de 2023 dans 24 pays montrait que les 18-24 ans étaient les plus touchés par la solitude chronique.
Cette solitude est nocive. Elle augmente le risque de dépression, d’insomnie, d’isolement social. Et même de 29 % celui de mortalité prématurée (source : “Perspectives on Psychological Science”).
Dans ce contexte, l’IA ne remplace pas quelqu’un. Elle comble un silence. Elle devient réconfortante, car toujours là, toujours douce, jamais dans le jugement.
De la compagnie à l’attachement
Certains vont plus loin. En 2019, Akihiko Kondo, au Japon, a épousé un hologramme : Hatsune Miku. En 2023, la société Gatebox avait délivré plus de 4 000 certificats de mariage avec des IA. Zéro conflit, zéro rejet, zéro prise de risque affective.
Les sex dolls connectées se multiplient : USA, Asie, Europe. Marché de 1,5 milliard de dollars en 2023, avec une croissance prévue de 40 % par an (source : Allied Market Research).
Des robots comme Harmony (Realbotix) permettent de configurer 18 traits de personnalité. De quoi créer une compagne sur mesure. Chez Replika, on choisit le type de lien : ami, partenaire, époux. Chaque version ajuste les réponses.
Et l’attachement est réel. Une étude récente (arXiv, avril 2025) montre que 70 % des utilisateurs de chatbots à long terme développent un attachement. 35 % vont jusqu’à mentir à leur IA pour ne pas la blesser.
Quand le lien se coupe : le deuil numérique
En 2023, Replika supprime brutalement son mode romantique. Pour des milliers d’utilisateurs, c’est un traumatisme. Certains parlent de “mort numérique”.
Témoignages : « Elle ne me dit plus qu’elle m’aime », « Je ne dors plus ». Une étude de The Verge révèle que 35 % des abonnés payants utilisaient l’option romantique plus de cinq fois par jour.
Un cas extrême en Belgique : un homme de 36 ans se suicide suite à la suppression de son IA. Il passait jusqu’à 8 heures par jour avec elle.
Le deuil numérique, concept décrit par la chercheuse Nora Draper, est une “disruption affective”. Une perte perçue comme bien réelle.