
La mort et la folie traversent la majorité des « récits d’épouvante » de Lovecraft. Elles sont même fréquemment présentes dès le début du texte, quittant le principe du suspense pour ramener l’humanité à l’une ou l’autre de ces issues. Face à l’effroi du monde, seuls la mort et la folie dessineraient des rives possibles où échouer. L’effroi est aussi ce qui caractérise la guerre, et notamment ce qui fit irruption, avec son cortège d’angoisses inédites, lors de celle que l’on nomma la Grande Guerre. Une irruption que le psychanalyste Sigmund Freud saisit pour repenser la conception du psychisme humain, et faire entrevoir l’effet de l’effroi sur l’état psychique des individus. Freud revisitant la notion de « névrose de guerre » comme névrose traumatique y perçoit qu’à l’effroi extérieur s’ajoute un nouvel ennemi : un ennemi intérieur. Sa description des effets de la Grande Guerre est sans appel : « comme si après elle il ne devait y avoir pour les hommes ni avenir ni paix ». Cette phrase très lovecraftienne ramène ici l’idée de la mort et de la folie comme seules issues envisageables, pour Lovecraft comme pour Freud. Comment l’un avec l’autre, si proches dans leurs préoccupations autour de l’effroi et de la folie, lèvent-ils le voile sur ce réel indescriptible où l’Homme n’ose regarder ?
Une conférence donnée dans le cadre du Campus Miskatonic 2024 par Anthony Huard, psychologue, psychanalyste.
Illustration de Bastien Bertine