
Ecrire ce qui vient à l’esprit, mettre la main et l’âme en liens.
Se laisser parler par la main, lien aux voix vulnérables de la tête et du cœur, celles qui ont du mal à se faire entendre, et pourtant ont tant à dire.
Une voix me dicte : que je suis faible, seule, isolée, triste. Une autre s’insurge, je suis là, je m’approche de ce qui m’importe, je laisse les émotions passer, circuler, me guider, je suis. Nous ne sommes pas seul.es. Le cœur qui bat plus fort, sentir que l’on approche, en chemin vers là où nous sommes. Sentir que ce qui nous en éloigne a de moins en moins la prise.
Que nous ne laisserons pas d’autres parler plus fort, nous rappeler à leur ordre à eux, nous sommes bien en ordre, agencées, notre ordre, nos importances, hors enjeux de contrôle, domination, assignations.
Rester là, bien droite, la colonne vertébrale réparée, à coups de boulons en titane, les genoux pansés, la voix enroulée de chaleur, pour ne plus devenir aphone, la peau tendue à l’air qui circule, les poumons ouverts.
Je suis là.
Je ne pars pas.
Je viens.
Enfin.
Je me préparai mais j’étais celle qui m’empêchait aussi, par les loyautés, les fidélités, les terreurs, le manque de reconnaissance à vif.
Comment savoir, seulement être sûre que j’existe ?
Tu existes. Tu m’existes.
Tu es là.
Et les ami.es rencontrés qui disent « sois ce que tu es ».
C’est tout. Ce qui permet de lâcher. D’être.
Tout est déjà là, devant soi, avec soi, en soi.
Les voix, les forces, les attractions, guides intérieurs, la sagesse profonde, la connaissance de soi-même, par coeur et par âme, qui attend et demande que l’on écoute.
Qui parfois hurle par le corps. Hurle, hurle et hurle encore. Nous cloue au sol pour qu’on l’entende, pour qu’enfin on s’arrête. Je m’arrête.
Parfois on se relève et on s’éloigne à nouveau, loin d’elle, de cette voix vitale.
Entendue un instant. Silenciée à nouveau. Parce que c’est trop.
Trop à délier, désaliéner, supporter
trop tôt
trop à dire, vomir, nausée
trop à être, hors du familier, des habitudes
trop à perdre et on croit qu’on se perdra soi aussi. Plutôt que de se retrouver.
Mais le monde nous interpelle. Crie à la fin de l’innocence.
Sois ce que tu es, ici, maintenant
car d’autres font sans cesse de toi ce que tu n’es pas – matraitance -, ils ne cesseront jamais.
Jamais.
Parfois je voudrais pouvoir crier, sur les toits, dans vos oreilles, dans les miennes.
Reviens ! Ne pars pas !
Nous sommes là. Nous pouvons être là.
Et la vague nous emporte à nouveau. Le corps chute encore. Le souffle s’étiole.
Il revient parfois, il suffit d’un contact étincelant qui nous rappelle à la vie. Nous revenons à nous. Après le vertige.
Je reviens à moi quand je me lie à toi.
Je reviens à ce que je suis.
Je garde mon âme.
Je lui dis, « c’est bon, tu peux revenir », j’ouvre la porte de ma poitrine en grand, je vais chercher l’enfant terrifiée derrière les tissus.
Et je lui murmure, « viens avec moi, tu es en sécurité maintenant. Viens, ils ne te feront rien, ils ne sont rien face au monde que tu portes. »
Remise au monde, ne te cache plus, la terreur d’hier n’est pas la tienne.
La sidération accrochée, je la lessive, je la nettoie avec vigueur, acharnement.
Je laisse apparaître la joie recouverte. Je reprends mes membres un par un, je les recouds, les tisse à mon corps, à ma mémoire, à mes sensations, au souffle du vent. A la rage, à la colère.
Se remettre sur pied pour lutter et chanter. Ne plus se laisser abattre.
Ecouter la petite voix, là, celle qui murmure. Battre les pensées tristes en retraite.
Mon combat intérieur est celui du monde. Le monde traverse mon corps. Mon corps est un champ de lutte (...)