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Lundi 6 Septembre 2021, 10h49.
Quand on me demande si j’ai passé de bonnes vacances, je réponds oui. Cette année, oui. On a découvert le Finistère, on a pris le temps de se poser, j’ai regardé mes filles grandir. Voilà, à peu près ma réponse à chaque fois. Elle est sincère.
Depuis le mois de mars 2020, j’ai la sensation d’avoir été mis à l’épreuve. J’ai réalisé entre autres choses qu’on pouvait me retirer le droit de faire mon métier. Alors maintenant que je peux à nouveau monter sur scène, je le fais de manière plus tranquille et j’en savoure tous les instants. Quelque chose a lâché en moi peut-être. Je crois bien que j’ai déposé ce qui me restait d’angoisse sur une plage du Finistère. Elle est partie avec la houle. J’ai regardé. J’ai regardé l’océan. Je me suis senti bien petit, mais faisant partie du tableau malgré tout. J’ai regardé mes filles donc. Les étés se suivent mais ne se ressemblent pas. Chaque été est unique. Au cas où je l’oublie, ma deuxième fille a eu la bonne idée de naître au mois d’Août, histoire de me rappeler que le temps passe. Du coup on se souvient de chacun de ses anniversaires puisqu’on les fête sur le lieu de vacances. Cette année c'était donc les « neuf-ans-Finistère ». C’était très chouette. On est allé au restaurant comme tous les ans, privilège de l’anniversaire en vacances, et le chef-cuisinier est venu lui chanter à l’oreille « Tanti auguri a te », bon anniversaire en italien. Tranquillement, simplement. Je ne me souvenais même pas avoir mentionné l’anniversaire d’Anouk. J’ai vu les yeux de ma fille briller. Elle a trouvé ça incroyable d’être célébrée discrètement, et en Italien. Moi aussi. Je n’ai même pas de photo du moment, je l’ai simplement regardée. Comme j’ai regardé ses deux sœurs sur la plage, la petite pour qui le maillot de bain c’était encore trop et qui finissait bien souvent nue dans les vagues, la grande enroulée autour du pied du parasol parce que le soleil ça va bien comme ça, et puis on y voit rien pour lire. J’ai regardé l’imposant percheron prénommé Alex qui venait nous saluer tous les matins au portillon, j’ai regardé l’océan, mes congénères, les arbres… J’ai pris le temps de regarder, ça m’a plu, ça sera donc désormais la règle. J’en profite pour l’écrire ici, je reviendrais la lire si besoin.
Et puis les vacances se sont terminées, ça aussi c’est la règle. Alors on a réintégré nos pénates. Je me suis remis à mon bureau le lendemain même et j’ai pris le temps de lire Le Monde. Lire Le Monde (au sens propre comme au figuré) est mon petit plaisir de tous les jours. Nous étions le 23 Août 2021, un philosophe venait de mourir, Jean-Luc Nancy. Ça me chagrine toujours un peu que les philosophes meurent. Bizarrement, ça me le fait moins avec les dictateurs. Son nom me disait quelque chose, je l’avais probablement déjà entendu dans une émission de philosophie à la radio, mais à part ça, pas grand-chose. Alors j’ai lu l’article, et j’ai pris un peu de temps pour rencontrer le monsieur. On le présentait comme un penseur de la communauté, et philosophe du sensible. Tout ce que j’aime. Je l’ai trouvé à la fois très accessible et très érudit, preuve s’il en fallait que les deux qualités sont conciliables. Je suis notamment tombé sur une vidéo d’un entretien avec le philosophe traitant du regard.
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