
Il est où, l’art… il se cache où ?
En fait, j’ai trouvé où il se cache : il est dans les apparts, dans les milieux queer, dans l’underground… toujours !
Je suis rentrée dans le petit appart de mon ami Pierrot, je suis rentrée chez lui et c’était rempli de figurines cousues à la main, magnifiques, des sortes de petites icônes au crochet.
Ça fait vingt ans qu’il tricote. Il y en a qui prennent la poussière, et toi tu rentres là dedans et tu te dis : mais c’est quoi ça ? Un monde artistique !
Et Pierrot, qu’est-ce que tu fais ?
Il me dit : « Oh bah je prépare mon expo ! »
Mais ça fait vingt ans qu’il la prépare, son expo et il va crever avant sans avoir pu montrer ses œuvres parce que bon, personne n’en veut !
Et il est où l'art ? Ben il est chez lui, dans son petit boui-boui qu’il essaie de garder, vu qu’on veut le mettre dehors, vu qu’on a envie de refaire son appart pour pouvoir y loger des locataires bien propres et qui payent bien cher.
Et il est là, l’art. Il est là !
Chez les pauvres, chez les queers, chez ceux à qui on a enlevé le pouvoir de la parole simplement parce qu’ils dérangent, parce qu’ils ont une vie qui ne plaît pas, un art qui n’a pas l’esthétique requis pour le faux queer ou le faux underground.
Et c’est à pleurer !
Moi, j’ai vu. Oui, j’ai vu où il était l’art ! il n’est pas dans les galeries américaines, new-yorkaises. Je suis désolée… peut-être qu’il y a une œuvre ou deux… et encore, c’est de la déco pour riches !
Mais l’art, il est toujours au même endroit : dans les caves… et ça ressortira un jours ... quand le monde voudra se racheter une conscience !
Bon je sais, là j’enfonce des portes ouvertes, mais en une semaine, j’ai vraiment vu deux mondes irréconciliables : le monde artistique, le vrai, l’authentique, celui qui ne prend pas de gants, sans effort de forme ni de discours... et l'autres !
Pierrot m’a dit : « Si j’expose, je n’accepterai aucune remarque. » Et il a raison !
Première et dernière galerie qu’il a faite : le gars lui a fait une remarque et il a failli lui tarter la gueule.
Pierrot, c’est « zéro forme », mais moi, pour un art de la même nature j’ai fait l’effort d’y aller, d’y mettre les formes, d'essayer de plaire avec un beau discours et surtout fermer ma gueule. Bref, tout ce qu’il faut… Résultat des courses : c’est la même chose, on n’en veut pas !
Comme si le monde moyen de l’art moyen percevait que ça ne pouvait pas marcher avec les collectionneurs et les spectateurs moyens du grand consensus moyen… Ce n’est simplement pas compatible !
Et même si, depuis le temps, j’ai un peu l’habitude, c’est quand même triste de voir tous ces artistes à la rue, qui continuent tous les matins à se lever pour tricoter depuis quoi, vingt, trente, quarante ans…
Et moi, c’est pareil : tous les jours, je me lève pour travailler mon art ... on en est au même point !
Mon pote Baïr, pareil. Lui aussi il est arrivé à New York il y a dix ans pour faire un film, et il est en train de le faire, son putain de film.
Lui aussi n’aura été aidé par personne, ça sera hyper pur, authentique et magnifique !
À la projection, on sera quatre ou cinq.
Mais voilà, il est là, l’art… il est là !
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