
« On ne peut pas attendre que la société change, il faut la faire bouger ensemble. »
Fanny a 49 ans. Voyageuse et formatrice indépendante, elle se définit comme écologiste et féministe, animée par une quête de justice et de sens. Longtemps, elle s’est sentie peu légitime à militer pleinement, pensant qu’il fallait avoir vécu des violences plus graves pour « mériter » sa place dans le féminisme. Pourtant, le mouvement #MeToo et sa rencontre avec des militantes d’Osez le Féminisme l’ont bouleversée et poussée à franchir le pas. Elle rejoint alors les Amazones d’Avignon, deux ans avant le procès Pélicot.
C’est en écoutant à la radio ou dans un podcast le récit de Caroline qu’elle entend parler pour la première fois de cette affaire. Le choc est immense : une tristesse profonde, une onde qui remonte jusqu’à ses propres souvenirs de situations dangereuses. À partir de là, elle choisit de s’impliquer sans réserve.
Durant le procès, Fanny prend part à de nombreuses actions. Elle prépare et réalise un haka féministe, colle des affiches, installe des banderoles, manifeste régulièrement et accueille les délégations venues d’Espagne, d’abord en petit groupe puis avec près de deux cents femmes. Elle participe à une dizaine de soirées de collage et multiplie les discussions autour d’elle : avec des voisins, des amis, des clients, provoquant parfois de fortes émotions et ouvrant des prises de conscience.
Elle raconte cette traversée comme une expérience à la fois éprouvante et exaltante. Dans la salle d’audience, la misogynie crue et le déni de justice la bouleversent. Dehors, les divisions entre associations féministes locales, qui accusent les Amazones d’extrémisme, ajoutent des blessures. Mais au cœur de cette épreuve, elle a découvert la force de la sororité : cette énergie joyeuse et déterminée, capable de soulever des montagnes, même quand la fatigue et la douleur tentaient de l’affaiblir.Fanny garde un souvenir marquant du lien noué avec les féministes espagnoles, mais aussi de cette rage intacte face aux institutions françaises. Pour elle, le procès Pélicot a révélé une évidence : la justice française n’a rien de juste, elle victimise deux fois les femmes, et elle protège encore trop souvent les violeurs.
Aujourd’hui, Fanny en sort renforcée, avec la conviction que la lutte doit se poursuivre sans relâche. Elle veut continuer à nommer les violeurs comme tels, à dénoncer la prostitution et la pornographie comme des violences systémiques, et à inventer avec ses sœurs Amazones de nouvelles manières d’agir. Sa conclusion est claire : on ne peut pas attendre que la société change, il faut la faire bouger, ensemble, dans la colère et la sororité.