
« Féministe j’étais, féministe je suis et féministe je resterai. »
Alekto a 70 ans. Elle se définit aujourd’hui comme une femme féministe radicale et membre des Amazones d’Avignon depuis trois ans. Mais avant cela, sa vie a été marquée par des recherches, des tâtonnements et des épreuves. Elle a étudié le droit, travaillé comme secrétaire, puis repris des études de psychologie qu’elle a exercée en libéral, sans jamais trouver de véritable stabilité professionnelle. Elle explique combien son apparence — une ascendance africaine visible dans ses traits et ses cheveux — a influencé son parcours, sans qu’elle en ait conscience au départ.
Longtemps, son féminisme est resté intérieur, jamais exprimé publiquement. Mariée à un homme violent, elle savait qu’elle n’avait aucun intérêt à « la ramener ». Après son divorce, elle connaît une période de « demi-sommeil », puis décide, en s’installant à Avignon, de rejoindre un groupe féministe. C’est ainsi qu’elle entre chez Osez le féminisme Vaucluse, puis qu’elle rejoint les Amazones.
Lorsqu’elle apprend, par Blandine, l’histoire de Gisèle Pélicot et le procès à venir, c’est pour elle un choc violent, comme une chute d’ascenseur. Elle choisit alors de s’engager pleinement, malgré ses problèmes de santé qui l’empêchent de tenir longtemps debout à l’audience. Si elle ne peut être présente dans le tribunal, elle participe sans relâche aux actions : collages, banderoles sur les remparts, interventions médiatiques. Elle estime n’avoir manqué qu’un seul collage, sur plus d’une trentaine.
Parmi ses faits marquants, elle raconte l’action des banderoles, préparées avec soin pour ne pas abîmer les remparts d’Avignon, accrochées à six mètres de haut avec une logistique minutieuse et collective. Elle garde aussi un souvenir intense des chorégraphies féministes, dont elle a animé la mise en scène, apportant son expérience du théâtre et sa voix pour donner rythme et force aux slogans.
Elle participe également à l’opération du Mont Ventoux, où les Amazones peignent sur la route les noms de centaines de femmes assassinées, créant un hommage saisissant et durable. Pour Alekto, ces actions sont des moments de créativité collective et d’apprentissage : elles montrent qu’il existe une infinité de moyens d’agir, bien au-delà des discussions privées.
Elle souligne que ce procès l’a rendue plus audacieuse : elle a appris à « ouvrir sa gueule », à prendre la parole, à se sentir légitime. Elle en retire de la fierté et la conviction d’avoir acquis une expertise militante. Elle regrette néanmoins que les médias aient refusé de parler de deux sujets centraux : l’inceste et l’influence du porno sur les violeurs, pourtant omniprésents dans les débats.
Pour elle, la sororité signifie une alliance entre femmes, explicite ou implicite, qui place toujours les femmes en priorité. Elle affirme que cette sororité était déjà présente avant le procès, et qu’elle s’est renforcée par l’action. Aujourd’hui, elle se dit prête à continuer le combat, tout en exprimant un vœu : qu’un jour ce combat devienne inutile.