
“En audience, c’était insupportable d’entendre la misogynie crue et ouverte des accusés.”
Ghislaine se décrit comme une femme « ordinaire », mais son parcours est marqué dès l’enfance par le racisme et par une éducation tournée vers l’indépendance. Son père et sa grand-mère lui répétaient qu’elle ne devait jamais dépendre d’un homme. Sa grand-mère paternelle, une « femme potomitan », incarne pour elle cette force centrale qui tient debout toute une famille. Dans sa lignée, elle puise aussi l’héritage d’un grand-père communiste et d’un arrière-grand-père anarchiste : une tradition de résistance et de pensée critique qui nourrit son engagement.
C’est ainsi qu’elle entre très tôt dans le militantisme, rejoignant le MLF dès 1968. Elle se souvient de cette époque avec enthousiasme et joie, malgré le scepticisme ou la moquerie de son entourage qui jugeait son engagement « pas sérieux ». Cette difficulté à être prise au sérieux l’a accompagnée longtemps, mais n’a jamais freiné sa détermination.
Quand elle découvre l’affaire Pélicot, elle est saisie d’incrédulité. « C’était de l’ordre de l’impensable », dit-elle. Pourtant, au fil du procès, sa colère monte et devient irrépressible. Dans la salle d’audience, elle est bouleversée par la misogynie crue des accusés, et révoltée de voir la victime mise en cause, parfois même par des femmes.Ce procès résonne aussi dans sa vie familiale. Elle raconte avec inquiétude les propos des camarades de sa petite-fille : des garçons qui affirment que s’ils étaient trompés, ils « tueraient » leur compagne. Pour Ghislaine, ces réactions révèlent l’imprégnation massive du porno dans l’imaginaire masculin, qui déforme les relations et banalise la violence.
Son engagement se nourrit de cette colère. « Je colle parce que je suis en colère, pas parce que ça me soulage », dit-elle. Pour elle, l’action est ce qui crée la solidarité, ce qui soude et donne sens. Le partage collectif, après les actions, permet de réfléchir ensemble et de transformer la colère en énergie politique.
Au procès comme dans les actions, elle a ressenti une grande chaleur humaine, une proximité rare. La diversité des femmes présentes l’a rendue plus tolérante, plus ouverte encore. Elle en garde la conviction que le féminisme est un combat vital qui ne doit jamais s’arrêter.
Ghislaine le dit avec simplicité et force : il est temps que les jeunes femmes prennent la suite. Elle sait que la transmission est indispensable pour que la flamme reste vive, et que chaque génération trouve sa manière de prolonger la lutte.