
La toxicité managériale est un risque social et économique. Elle se manifeste par des comportements répétés : humiliation, imprévisibilité, micro-contrôle, favoritisme, dénigrement. Les effets sont connus : baisse de motivation, hausse du turnover, comportements contre-productifs, silence par peur. Les coûts sont élevés et souvent invisibles jusqu’à ce que la vague de départs arrive.
L’IA générative permet d’agir en amont. Elle lit et résume des volumes massifs de textes internes : emails, comptes-rendus, verbatims d’enquêtes, entretiens de sortie. Elle classe des actes problématiques, repère des motifs récurrents, agrège des tendances par équipe et par période. Couplée à des métriques de collaboration et de bien-être, elle enrichit la vision RH : où sont les risques, que disent les gens réellement, quels rituels dysfonctionnent.
La méthode tient en quatre briques. Un, ingestion sécurisée et pseudonymisation. Deux, double détection : un modèle généraliste de toxicité et un modèle « contexte travail » calibré localement. Trois, agrégation et seuils : on ne juge pas une phrase, on observe une trajectoire. Quatre, revue humaine et accompagnement : médiation, coaching, recadrage. L’outil éclaire, il ne sanctionne pas. On documente ses performances, on surveille ses biais, on explique ses limites.
Le cadre européen impose la rigueur. En emploi, on traite ces systèmes comme à haut risque : gouvernance, gestion des risques, qualité de données, transparence, contrôle humain. Les biais linguistiques sont un vrai sujet : un détecteur entraîné ailleurs peut mal noter certaines langues ou registres. On teste, on calibre, on corrige. On privilégie l’agrégé et l’anonymisé, on informe les salariés et les représentants, on réalise une analyse d’impact, on écrit une charte d’usage. On évite l’usage disciplinaire automatisé et le « scoring » nominal public.
En pratique, on démarre par trois quick wins : analyser les entretiens de sortie avec résumés actionnables, lancer une enquête pulse courte avec extraction d’incidents thématiques, croiser ces verbatims avec quelques métriques collaboratives pour cibler trois équipes à risque. On embarque un comité d’éthique, on forme les RH à la lecture des signaux, on finance du coaching sur les équipes exposées. En douze semaines, l’organisation passe d’opinions fragiles à des faits discutables, puis à des décisions assumées. La technologie enlève les excuses. Le reste, c’est du courage managérial.