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Les bouleversements récents chez Amazon et Walmart ne sont pas qu’une simple évolution technologique ou économique : ils marquent un tournant social majeur qui met à rude épreuve le modèle de travail américain et, plus largement, les classes populaires. Alors que ces deux mastodontes de la distribution, employeurs de millions de personnes, ajustent leurs effectifs sous l’effet conjugué de l’intelligence artificielle et de la pression financière, c’est la face visible d’une transformation profonde des relations au travail qui émerge, avec ses promesses mais surtout ses incertitudes et ses risques.

Pendant plusieurs décennies, ces entreprises ont incarné l’idée que le travail pouvait être une voie d’ascension sociale, en offrant un emploi stable, même peu qualifié, à des millions d’Américains. Amazon et Walmart ont ainsi permis à une large frange de la population, souvent aux revenus modestes, de bénéficier d’un salaire régulier et d’une certaine sécurité économique. Cette fonction sociale de “pourvoyeur d’emplois” restait un pilier essentiel dans une économie américaine souvent inégalitaire. Pourtant, aujourd’hui, ce modèle vacille.
Les annonces récentes de suppression de postes au sein des sièges sociaux d’Amazon, les gels d’embauche et les plans de transformation chez Walmart ne sauraient être considérés uniquement sous l’angle des stratégies managériales visant à optimiser les coûts. Derrière ces décisions se profile une remise en cause de la nature même du travail dans l’économie numérique. L’intelligence artificielle, présentée par les dirigeants comme une alliée de l’efficacité et de la croissance, apparaît aussi comme un facteur de déséquilibre pour les employés dont les fonctions sont automatisables. Cette transition soulève une question essentielle : quel avenir pour les travailleurs peu qualifiés dans un monde dominé par l’automatisation ?
La compression ou la stabilisation des effectifs dans des entreprises aussi gigantesques que ces deux distributeurs ne frappe pas seulement par son ampleur, mais surtout par son renversement de sens. Là où autrefois l’embauche massive témoignait de la bonne santé économique et sociale, aujourd’hui la réduction du personnel est brandie comme une preuve de modernité et d’agilité. Ce glissement idéologique crée une tension palpable pour les classes populaires, qui se trouvent prises en étau entre l’angoisse du chômage et l’espoir d’une reconversion que le système peine à organiser efficacement...