
Extrait de Histoires du soir, un livre de Benoît Broyart illustrépar Laurent Richard, en vente dans La Librairie de Benoît :
https://www.lalibrairiedebenoit.fr/shop/histoires-du-soir-201
Taille-Barbe collectionne les trésors. Les pièces, les bagues, lescolliers en or… Il est toujours prêt à piller et à amasser.Bientôt, il sera le pirate le plus riche du monde. C’est un hommetrès puissant, craint et respecté par tous ses confrères. Seul,Aldebert, son fils, ne se réjouit pas de sa réussite. Être le filsde la terreur des Caraïbes, c’est un vrai calvaire ! Devant Taille-Barbe, Aldebert laisse exploser sa colère : « Comment veux-tu que je sois fier d’être le fils du plus méchantde la Terre ? Tu pourrais être pêcheur ou explorateur, mais tupréfères passer tes journées à faire des prisonniers. Tout çapour quoi ? Pour remplir d’or un bateau déjà plein à rasbord ! Ça ne peut plus continuer. Je veux que tu changes demétier ! »
En entendant ces mots, Taille-Barbe hésite entre punir son fils ou éclater de rire. Il se contente de hausser les épaules :
« Écoute, moussaillon, retourne jouer aux osselets et laisse-moitravailler… Je suis trop vieux pour changer de métier. » Sur le pont, les pirates se préparent pour la prochaine attaque.Taille-Barbe supervise les manœuvres : « Aiguisez vos sabres, marins ! Hissez haut le drapeaunoir, matelots. » Aldebert aussi a décidé de passer à l’attaque. Son père ne veutpas l’écouter ? Tant pis. Il est prêt à employer les grandsmoyens pour le faire changer d’avis. Pendant que l’équipages’agite, Aldebert se faufile dans la cale. Il connaît par cœur lebateau et ses points faibles. Armé d’un lourd maillet, il frappela coque à grands coups réguliers. Elle ne met pas très longtempsà céder. Aldebert remonte sur le pont, et court vers Hachemenu, un des piratesde l’équipage :
« J’ai vu de l’eau dans la cale ! Il y a un troudans la coque ! On coule !!! – Quoi ? C’est une plaisanterie, petit ? grogneHachemenu. Mais non… Le moustique a raison… Sauve qui peut, oncoule ! ». Sur le pont, les redoutables pirates s’affolent. Car, Taille-Barbeexcepté, sur le bateau, personne ne sait nager. C’est la panique àbord ! En bon capitaine, Taille-Barbe garde son sang-froid et rassurel’équipage :
« Matelots, restez calmes, je vais organiser l’opération desauvetage. Vous voyez cette île ? Elle n’est pas trèsloin, nous pouvons nous y réfugier. Je sais que vous ne savez pasnager. Videz tous les tonneaux et accrochez-les aux chaloupes. Ilsvous serviront d’embarcations de fortune. Aldebert, accroche-toisur mon dos. Nous quittons le navire. »
Les consignes de Taille-Barbe sont appliquées à la lettre.L’équipage s’entasse dans les chaloupes et les tonneaux. Lesembarcations tanguent, parce que les pirates n’ont pu se résoudreà abandonner leurs trésors. Mais ils rament vaillamment sous lesencouragements de Taille-Barbe et le rivage se rapproche.
Sain et sauf sur la plage, les pirates regardent leur navire couler àl’horizon. « Jamais je n’aurais cru qu’un tel bateau prendrait l’eau,soupire Taille-Barbe.
– C’est ma faute, Papa, dit Aldebert. J’ai fait un trou dans lacoque. Sans bateau, je pensais que tu serais bien obligé de changerde métier… – Crénom de nom, mon garçon, tu mériterais une bonne leçon,mais je n’ai pas de temps à perdre, s’exclame Taille-Barbe.Puis, il ajoute en se retournant vers l’équipage : Foi depirate, nous allons construire un nouveau bateau et nous repartirons,matelots !
Les pirates regardent leurs pieds, un peu gênés. Hachemenu s’avance : « On vous suivra les yeux fermés, Capitaine, mais pas avantd’avoir appris à nager ! »...