
Extraitde Histoires du soir, un livre de Benoît Broyart illustrépar Laurent Richard, en vente dans La Librairie de Benoît :
https://www.lalibrairiedebenoit.fr/shop/histoires-du-soir-201
Un loup est passé près de chez nous. Il a laissé des traces depatte dans la neige. Ce n’est pas étonnant, le village est toutprès de la forêt.
Dans le Vercors où j’habite, les loups gris sont revenus depuisquelques années. Je suis sûre qu’ils aiment ces bois autant quemoi. C’est pour ça qu’ils sont là.
Mais ce soir, c’est bizarre, les adultes n’ont pas l’aircontent. Je crois qu’ils ont peur du loup. Comme les enfants dansles histoires. Alors que moi, je rêverais d’en voir un en vrai.
Ce soir, autour de la table, Marc, le maire du village, essaie derassurer René le berger, qui a peur pour son troupeau. Ma maîtresse,Louise, qui est aussi une amie de maman, est venue car elle connaîtbien les animaux sauvages. Bien sûr, mes parents m’ont envoyée mecoucher, mais je me suis cachée pour écouter. En haut del’escalier, c’est parfait.
– Un loup, c’est dangereux pour la population lance Marc. Ilfaut trouver une solution.
– Voyons Marc, la population ne court aucun danger. Les loupsn’attaquent jamais l’homme répond ma maîtresse Louise.
– On voit que tu n’as pas de brebis ! rétorque René,énervé. Je n’ai pas envie que ce loup décime mon troupeau.
– René, le loup et l’agneau, c’est dans les fables de LaFontaine reprend Louise. Le loup se nourrit surtout de bêtesaffaiblies qu’il trouve dans la forêt.
Marc se remet à parler. Et quand je l’entends, cette fois, unegrosse colère monte en moi.
– On pourrait organiser une battue pour le supprimer. Çarésoudrait le problème…
Tuer le loup ? Non mais les adultes sont devenus fous. Jedescends l’escalier en courant. Papa me fait les gros yeux mais çan’a pas d’importance.
– Tuer le loup ? Mon animal préféré ! Non mais vousêtes tombés sur la tête ? Il y a longtemps, il y avait bienplus de loups par ici. Et plein de brebis aussi. Si Papy étaitencore là, il vous l’aurait dit.
Louise me regarde en souriant et ajoute :
– Tu as raison, Zoé. Et tout le monde cohabitait. Mais je croisqu’aujourd’hui, la plupart des grands sont fâchés avec lesanimaux sauvages. Ils ont peur du loup. Comme les enfants dans leshistoires. C’est bizarre.
Les adultes me regardent, l’air gêné. Heureusement, Maman serange rapidement de mon côté.
– Je crois que vous devriez écouter la petite. René, tu sais, ilexiste des solutions pour protéger tes brebis. D’ailleurs, tonchien Tommy suffit, à mon avis.
Au bout d’un long moment de silence, Marc reprend la parole :
– Louise, tu connais mieux cet animal que moi. Et Zoé aussiapparemment, me dit-il en souriant. Voilà ce que je vous propose.René, nous ferons garder la bergerie. On va se relayer et onlaissera ton chien avec les brebis jour et nuit. Comme ça, tudormiras tranquille. Et d’ici quelques jours, le loup rejoindra laforêt où il habite habituellement. Ici, il ne fait que passer. S’iln’est pas dangereux pour l’homme, je ne vois aucune raison de lesupprimer.
Ouf ! Je suis soulagée. Après une tournée de bisous que lesadultes ont bien mérités, me voilà revenue dans ma chambre. J’ailes yeux qui piquent. Je suis fatiguée. Mais avant de m’endormir,je ne peux pas m’empêcher de regarder une dernière fois par lafenêtre. Au cas où le loup passerait.