
Extraitde Histoires du soir, un livre de Benoît Broyart illustrépar Laurent Richard, en vente dans La Librairie de Benoît :
https://www.lalibrairiedebenoit.fr/shop/histoires-du-soir-201
Astro ne sort jamais du palais. Dans son grand vaisseau, il y a toutce qu’il faut. Des couloirs pour courir, des coins pour se cacher.Mais ce que la princesse préfère, c’est lire sur son fauteuilétoilé ou siroter sur le canapé des cocktails qui piquent lalangue. Parfois, elle fait les deux à la fois.
Quand elle lit, Astro voyage. Elle en connaît un rayon sur lesaventurières de l’espace en général et sur Nogora enparticulier.
Perdue près de la planète Citron, Nogora avance à fond, àcheval sur son cyclon à propulsion. Sa mission : exterminer leterrible Rouflacaisse et sa bande de neutrons.
Astro dévore une par une les pages de son gros livre. C’est commesi elle y était. La princesse sait qu’elle aussi, un jour,remplira une mission incroyable. Quand elle sera grande. Grande, ellel’est déjà un peu. D’ailleurs, elle le rappelle souvent à sesparents qui l’oublient… trop souvent.
– Je suis grande maintenant !
Elle l’est un peu… mais pas assez. Pourtant, un jour viendra oùl’on tremblera de la savoir dans une galaxie lointaine, face à descréatures à sept jambes, trois bouches et au moins huit bras.
En attendant, Astro voyage dans son fauteuil. Pour ses parents, c’estrassurant. Il lui arrive de relever la tête et de s’approcher deshublots. Pas plus. Elle regarde les planètes passer. Les planèteset les vaisseaux. Elle voit les étoiles briller et continue derêver.
Depuis quelque temps, l’espace est devenu une vraie fourmilière.Le roi s’en désespère. Les vaisseaux sont trop nombreux. Ils vonttrop vite. Et tout le monde voyage seul dans d’énormes soucoupes.Résultat, les accidents arrivent tout le temps. Et sous cette pluiede vaisseaux spatiaux, Astro serait réduite en purée si ellesortait.
– Ma chérie, tant que je n’aurai pas trouvé de solution pourarranger la situation, tu resteras à la maison.
– Pas de problème, papa. Mais chut, s’il te plaît. Je voudraisterminer ma page avant le repas.
Astro est sage. Un peu trop même. Le roi et la reine commencent às’inquiéter. Ils ont peur qu’elle s’ennuie.
– Auguste, c’est une enfant. Elle a besoin de courir, de sedépenser. Un jour, tu verras, elle s’ennuiera et aura envie desortir.
– Envie de sortir ? Ne me parle pas de malheur !
– Remarque, j’ai peut-être la solution. Et si on lui offrait uncleptodon ?
Les cleptodons sont de petits êtres qui adorent les enfants. Ilsjouent à longueur de journée et possèdent des bras qui n’enfinissent pas. C’est pratique pour attraper les jouets en haut desétagères.
Lilo est arrivé ce matin dans un joli paquet.
– Astro, nous avons pensé avec maman que cela te plairait de fairela connaissance de Lilo.
La princesse lève le nez de son livre et regarde ses parents ensouriant.
– Un cleptodon, quelle bonne idée ! Merci ! Enfant,Nogora en avait un. Ça, c’est écrit dans le tome 1.
Lilo, douze kilos. Aussitôt arrivé, aussitôt adopté. Les parentsde la princesse sont rassurés. Astro ne s’ennuiera pas.
Mais ce que le roi et la reine ignorent, c’est que les cleptodonsaiment caresser les étoiles. C’est même leur activité préférée.Malheureusement, la notice qui accompagnait le colis a dû glisser enroute et s’est perdue dans l’espace.
Voilà pourquoi ce matin, quand Astro se réveille, elle découvreson compagnon le nez collé au hublot de la chambre. Les cleptodonsne parlent pas mais les grands yeux de Lilo sont pleins de larmes.
– Qu’est-ce qui ne va pas ? Ne me dis pas que tu aimeraissortir ? C’est dangereux. Dans notre galaxie, il y a trop decirculation. Comme dit mon père, c’est une vraie fourmilière...