
Extrait de Histoires du soir, un livre de Benoît Broyart illustré par Laurent Richard, en vente dans La Librairie de Benoît :
https://www.lalibrairiedebenoit.fr/shop/histoires-du-soir-201
Mario est le meilleur clown du cirque Plouf. Quand il entre sur lapiste, tous les enfants rigolent. Chaussures énormes. Grandpantalon. Chapeau haut-de-forme. Nez rouge et rond. À chaque foisqu’il s’élance, tous les enfants crient de bonheur.
Mais aujourd’hui, rien ne va plus. Dans sa loge, au lieu de semaquiller, Mario n’arrête pas de pleurer.
Hier, pendant son numéro, un enfant a crié. Il a hurlé de peur. Unenfant qui ne rigole pas, passe encore. Mais un petit garçonterrorisé qui s’enfuit, entraînant son père désolé avec lui,c’est pire que tout. Un clown qui fait peur, quelle horreur !
La prochaine représentation commence dans trois heures. Tous lesbillets sont vendus. Et sans le meilleur clown du cirque Plouf, pasde succès.
Magda, la trapéziste, s’approche de son ami pour le consoler.
Ce n’est pas grave, Mario.
Pas grave ? J’ai fait peur à un enfant. Ma carrière est brisée.
Mario ne veut rien savoir. Retrouver le petit peureux et l’entendre.Lui présenter ses excuses et comprendre. C’est la seule solution.Autrement, le clown ne jouera pas. Mario se souvient parfaitement duvisage de l’enfant. Il a même dessiné un portrait ressemblant.
Un quart d’heure plus tard, Mario est au milieu de la grande place.Perché sur un escabeau, son dessin à la main, il donne de la voixpour attirer les passants.
– Mesdames et messieurs, reconnaissez-vous cet enfant ?
Intrigués, attirés, les curieux s’approchent. On entend des voixà droite, à gauche, au milieu, en haut, en bas. Des voix un peupartout. Des voix qui disent tout et n’importe quoi.
Jamais vu celui-là.
Ce ne serait pas, des fois, le petit Roussel ?
Maman, dis, pourquoi il crie comme ça, le monsieur ?
Non mais tu sais bien, le fils de madame Arcadie.
Sans se lasser, Mario n’arrête pas de répéter.
– Mesdames et messieurs, savez-vous où je peux trouver ce garçon ?Une récompense pour tout renseignement sérieux. Deux places auxpremières loges pour le cirque Plouf.
On entend d’autres voix. À gauche, à droite, au milieu, en bas,en haut. Des voix un peu partout. Des voix mélangées. Des voix quidisent tout et n’importe quoi.
Ce ne serait pas, des fois, enfin tu sais bien, comment ils’appelle déjà ? Le petit-là. Non mais tu sais. Avec lestâches de rousseur. Il habite juste à côté. Ce n’est pascompliqué. Ah, son nom m’échappe. Comment déjà ?
Au bout d’une heure passée sur son escabeau, Mario est au bord deslarmes. Il a échoué. Sa carrière est fichue. Il va changer demétier. Le clown observe la grande place qui commence à se vider.
Mais derrière lui, un petit garçon s’avance sans bruit. Il seplante en bas de l’escabeau et lève les yeux.
– Monsieur, c’est moi que vous cherchez ?
Mario a sursauté, surpris. Il a eu peur et a failli tomber. Il setourne et regarde le petit garçon, soulagé. Le peureux, c’estbien lui. Il le reconnaît. Sauvé ! Le clown descend doucement.
– C’est mon copain Arthur qui m’a dit que vous me cherchiez.
L’enfant regarde le portrait que Mario tient dans la main.
– Vous dessinez bien, monsieur. Le portrait, vous pouvez me ledonner ? Je vous reconnais. Vous travaillez au cirque. Super,votre numéro. Je m’appelle Mathias, enchanté.
Mario ouvre grand les yeux, étonné. Mathias continue de parler.
– Désolé. Hier, on a dû partir pendant le spectacle. Le portablede papa a sonné. J’ai crié parce que je voulais rester mais rienà faire. Comme dit mon père, les affaires sont les affaires.
Mario vient de comprendre. Il s’est trompé. Un grand sourire auxlèvres, il tend deux billets à Mathias.
– Puisque le spectacle t’a plu, voici des places aux premièresloges pour ce soir. Cette fois, demande juste à ton papa d’éteindreson portable, s’il te plaît.