
- Vendredi 25 Octobre 2013 - L'Humanité -
Psychologue clinicienne en pédopsychiatrie en Seine-Saint-Denis, Malika Mansouri publie Révoltes postcoloniales au cœur de l’Hexagone. Cet ouvrage restitue la parole de jeunes Français d’origine algérienne sur les révoltes de 2005. Et fait resurgir les liens conscients ou inconscients qui se nouent entre ces événements surmédiatisés et un passé colonial dénié.
Dans votre travail d’enquête, vous avez choisi d’aller à la rencontre de quinze jeunes hommes français d’origine algérienne et de les interroger sur les raisons d’une colère qui a éclaté lors des révoltes de 2005. Pourquoi ces choix précis ?
Malika Mansouri. Dans ma pratique de psychologue psychanalyste, c’est d’abord de l’humain dans toute sa singularité dont j’ai à m’occuper. Pourtant l’actualité chargée de représentations négatives sur les « émeutiers » de 2005 m’a fait éprouver la forte nécessité d’écouter cette jeunesse pour qu’elle ne soit plus seulement parlée, interprétée, mais que chacun puisse en dire quelque chose pour lui-même. J’ai été attentive aux récurrences, aux points communs dans le discours pourtant singulier de chacun. Ils en ont au moins un : une histoire de France spécifique. Il m’est donc apparu nécessaire de tenir compte de l’impact du passé colonial et postcolonial de cette jeunesse identifiée comme « française d’origine étrangère », principalement « maghrébine », puis « subsaharienne », pour une plus juste lecture du présent. Et pour être au plus près de leur subjectivité, il fallait approfondir une seule histoire coloniale. Je me suis rapprochée de celle que je connaissais un peu mieux, l’histoire franco-algérienne, dont je suis. L’histoire collective a une influence sur les individus, sur la structuration psychique des personnes. Et quelles que soient les mesures prises pour effacer l’histoire de la mémoire, au mieux, il en reste des traces, au pire des débris, et cela n’est pas sans effet.