Une jolie spirale (mais qui n’est pas celle de Fibonacci)
Que fait-on, quand on sait mais qu’on ne peut pas ? Quand on sait, qu’on a parlé mais parlé dans le désert ; qu’on a dit mais que nul n’a voulu nous entendre ; que le laps de temps dont on disposait pour éviter la catastrophe est révolu et qu’il est désormais trop tard ?
Cassandre sait cela. Dans la Troie fumante quelle avait prophétisée, elle est violée par Ajax, capturée par Agamemnon qui en fait sa concubine, emmenée à Mycènes où elle finit sa vie égorgée par Clytemnestre.
Cabane, d’Abel Quentin, est l’histoire des auteurs du
rapport Meadows, rebaptisé Rapport 21, qui, fondé sur une modélisation assez poussée du système-monde, décrivit, dès 1972, les conséquences délétères, sur l’environnement et les ressources, d’une croissance continue, mettant en garde contre l’effondrement très probable de ce système, quelque part au cours du XXIème siècle, si aucune correction forte ne lui était rapidement apportée.
Dix ans après, vingt ans après, trente ans après, rien ne change : la
spirale de Fibonacci continue sa course folle, reliant les sommets de carrés dont les côtés croissent de façon exponentielle ; le pillage et la pollution explosent ; plus rien n’échappe à la destruction prédatrice : gratter, pomper, sucer jusqu’à la moelle, aspirer, assouvir : demain est un autre jour et après nous le déluge.
Cassandre, certainement, a plongé dans le désespoir ; il en va de même des héros de Cabane : le désespoir, l’amertume, et venant s’ajouter à cela, une certaine honte de n’avoir pas su convaincre, d’avoir prêché devant des foules qui écoutèrent sans entendre. Car le rapport Meadows ne fut pas confidentiel ; ce fut, au début des années 1970, un grand succès, un grand événement ; c’est seulement que nul n’en tint compte.
L’un tombe dans le déni et rejoint une compagnie pétrolière, d’autres vont faire de l’élevage ; et le quatrième, mathématicien proche de
Grothendieck et du
groupe Bourbaki, erre longtemps de cabanes en cabanes avant de se lancer dans l’accomplissement des actes nécessaires à la tâche, la terrible tâche qu’il s’est finalement donnée : arrêter la suite de Fibonacci.
La dynamique des systèmes croissant de façon exponentielle est redoutable : on peut, sans trop de difficulté, détourner de sa trajectoire un moustique ou une mouche ; avec un faucon ou un aigle, c’est déjà plus difficile ; plus dur encore avec un hippopotame ou un rhinocéros. Mais on a beau voir le bord du monde, cette muraille où tout s’effondre parce que tout a été sapé, comment changer la route du supertanker de 500 000 tonnes sur lequel nous sommes désormais embarqués ?
Certains pensent y arriver en utilisant des moteurs encore plus gros, encore plus puissants,